17.
Le Soi est véritablement Un et sans parties,
alors que le corps comporte de nombreuses parties ;
et pourtant les gens les considèrent comme
étant un ! Que peut-on qualifier
d'ignorance, si ce n'est cela ?
18. Le Soi règne sur le corps et
demeure au-dedans, le corps est celui qui est
gouverné et qui se trouve au-dehors ;
pourtant les gens les prennent pour une seule
entité ! Que peut-on qualifier
d'ignorance, si ce n'est cela ?
19. Le Soi n'est que conscience et
sacré, le corps n'est que chair et
impur ; pourtant les gens les prennent pour
une seule entité ! Que peut-on
qualifier d'ignorance, si ce n'est cela ?
20. Le Soi est l'éclairage
Suprême et la pureté même, le
corps, pour sa part, est de la nature de
l'obscurité ; pourtant les gens n'y voient
qu'une seule entité ! Y a-t-il plus grande
ignorance que cela ?
21. Le Soi est éternel, puisqu'il est
l'existence même ; le corps est transitoire,
car il est en essence non-existence ; pourtant les
gens considèrent ces deux comme
n'étant qu'un ! Qu'est-ce que l'ignorance,
sinon cela ?
22. La luminosité du Soi est faite de
la manifestation de tous les objets. Sa
luminosité ne ressemble pas à celle
du feu ou à celle d'autres
éclairages, car la nuit, en dépit de
la présence de ces derniers
l'obscurité domine [en un lieu ou un
autre].
23. Que c'est étrange de voir
quelqu'un se satisfaire de l'idée qu'il est
le corps alors qu'il sait très bien que le
corps est quelque chose qui lui appartient et qu'il
est donc distinct de lui, tout comme, voyant un
pot, il sait que le pot est distinct de lui.
24. Etant paisible, serein, tranquille,
ainsi qu'existence absolue, connaissance et
félicité par nature, je suis en
vérité, la Réalité
ultime. Je ne suis pas le corps, qui est
non-existence même. Voilà ce que les
sages appellent connaissance véritable.
25. Je ne subis jamais le changement, je
suis dénué de toute forme, libre de
tout défaut et de la
désintégration. Je ne suis pas le
corps qui est non-existence même. C'est cela
que les sages appellent connaissance
véritable.
26. Je ne suis pas sujet à la
maladie, je suis au-delà de toute
compréhension, libre de toutes alternatives
et je suis en tout. Je ne suis pas le corps qui est
non-existence même. Cest cela que les
sages appellent connaissance véritable.
27. Je suis sans attribut ni
activité, je suis éternel, à
jamais libre et impérissable. Je ne suis pas
le corps qui est non-existence même.
Cest cela que les sages appellent
connaissance véritable.
28. Je suis dégagé de toute
impureté, je suis inébranlable,
illimité, sacré, immarcescible et
immortel. Je ne suis pas le corps qui est
non-existence même. Cest cela que les
sages appellent connaissance véritable.
29. Ô Toi l'ignorant ! Pourquoi
affirmes-Tu que le Soi de félicité
est absolument non-existant alors qu'il existe
à jamais, qu'il demeure dans ton propre
corps et qu'il en est à l'évidence,
différent, qu'il est connu comme Purusha et
que selon les Écritures sacrées il
est identique à la Réalité
?
30. Ô, toi l'ignorant ! À
l'aide des Écritures et du raisonnement,
essaye de connaître ton propre Soi qui est
différent du corps, [non pas un vide
mais] la forme même de l'existence et
très difficile à réaliser pour
des gens comme toi.
31. Le Soi suprême connu comme
étant "je" n'est qu'Un, tandis que les corps
grossiers sont plusieurs. Alors, comment ce corps
peut-il être le Soi suprême ?
32. "Je" est bien établi comme
étant le sujet de la perception alors que le
corps en est l'objet. On apprend cela lorsque l'on
dit : "Il m'appartient." Alors, comment ce corps
peut-il être le Soi ?
33. Il est un fait établi par
l'expérience directe, que le "je" ne subit
pas de changement, alors que le corps subit
constamment des modifications. Alors, comment ce
corps peut-il être le Soi suprême ?
34. Les sages ont vérifié la
véracité de la nature du Soi
suprême dans les Écritures qui disent
: "Il n'existe rien de plus élevé que
Lui [le Soi suprême]." Alors, comment
ce corps peut-il être le Soi suprême
?
35. À nouveau, dans le Purusha
Sukta les Écritures ont
déclaré : "Tout ceci est en
vérité le Soi." Alors, comment ce
corps peut-il être le Soi ?
36. Dans la Brihadaranyaka il est
également dit : "Le Soi n'est attaché
à rien." Comment ce corps, qui contient
d'innombrables impuretés, peut-il être
le Soi suprême ?
37. Il est aussi clairement souligné
que : "Le Soi suprême brille de
lui-même." En conséquence, comment le
corps qui est inerte, non conscient,
dénué d'intelligence et
éclairé par un agent extérieur
peut-il être le Soi suprême ?
38. De plus, le Karma Kanda
déclare aussi que le Soi est à la
fois différent du corps et permanent,
puisqu'il demeure même après le
déclin du corps et qu'il récolte les
fruits des actions effectuées au cours de
cette vie.
39. Même le corps subtil se compose de
plusieurs parties et n'est pas stable. De plus, il
est aussi un objet de perception, changeant,
limité et non-existant par nature. Alors,
comment pourrait-il être le Soi suprême
?
40. Le Soi immuable, le substrat de l'ego,
est donc différent à la fois du corps
physique et des corps subtils. Il est identique
à la Réalité, le Seigneur de
tout, le Soi de tous. Il est présent en
chaque forme et cependant il les transcende
toutes.
41. Ainsi, l'énoncé de la
différence qui existe entre le Soi et le
corps a indirectement soutenu, et cela
effectivement en accord avec les règles de
la logique et de la raison, la
réalité du monde
phénoménal. Mais lequel des quatre
buts de la vie [accomplissement du devoir,
prospérité, satisfaction des
désirs socialement acceptés, ou
libération finale] cela sert-il ?
42. Le point de vue qui voudrait que le
corps soit le Soi a été
dénoncé par l'énonciation de
la différence entre le Soi et le corps. Il
va maintenant être énoncée
clairement l'irréalité de la
différence entre les deux.
43. Aucune division dans la conscience n'est
jamais recevable, car Elle est constamment Une et
Inchangée. Même l'individualité
de l'être vivant doit être connue comme
fausse, à la façon de l'illusion du
serpent dans la corde.
44. À la façon dont la corde
semble prendre l'apparence d'un serpent aux yeux de
celui qui ignore la nature véritable de la
corde, la pure conscience peut elle aussi sembler
apparaître sous la forme de l'univers
phénoménal sans pour autant subir la
moindre modification.
45. Il n'existe aucune autre cause
matérielle de cet univers
phénoménal en dehors de la
Réalité suprême. Par
conséquent, l'univers entier n'est que la
Réalité absolue et immuable, et rien
d'autre.
46. De la déclaration des
Écritures telle que : "Tout ceci est Soi",
il découle que les idées du contenant
et du contenu sont illusoires. Cette
Vérité suprême une fois
réalisée, comment peut-il jamais y
avoir de distinction entre la cause et l'effet
?
47. Il est certain que les Écritures
ont nié d'emblée la
multiplicité au sein de la
Réalité. La cause non-duelle
étant un fait établi, comment
l'univers phénoménal pourrait-il en
être différent ?
48. De plus, les Écritures ont
condamné la croyance en la diversité
en déclarant : "La personne qui,
dupée par l'illusion voit la
diversité en Cela va de mort en mort."
49. Comme tous les êtres naissent de
la Réalité, le Soi suprême, il
faut comprendre qu'ils sont véritablement la
Réalité.
50. Les Écritures ont clairement
énoncé que seule la
Réalité est le substrat de toute la
diversité des noms, des formes et des
actions.
51. Tout comme l'or est la nature d'un objet
façonné en or, la nature de
l'être né de la Réalité
est en permanence celle de cette même
Réalité.
52. La peur est le lot de l'ignorant qui
nourrit la plus petite des distinctions entre
l'âme individuelle [jivatman] et le
Soi absolu [Paramatman].
53. Quand l'ignorance donne naissance
à la dualité, on voit un autre, mais
lorsque tout se trouve identifié au Soi, on
ne perçoit pas le moindre autre.
54. Au sein de l'état dans lequel on
réalise tout comme étant
identifié au Soi, il ne survient ni illusion
ni affliction, puisque la dualité est
absente.
55. Les Écritures qui portent le nom
de Brihadaranyaka ont déclaré
que l'Atman, qui est le Soi de tous, est en
vérité l'unique
Réalité.
56. Bien qu'il soit l'objet de notre
expérience quotidienne et qu'il ait un
rôle pratique, ce monde ressemble au monde
dans un rêve, dont la nature est inexistence,
puisqu'il se trouve contredit le moment
suivant.
57. L'expérience du rêve
s'avère irréelle au réveil,
et, l'expérience de la veille est absente du
rêve. Les deux cependant, sont inexistantes
dans le sommeil profond, lequel est lui-même
inconnu d'elles.
58. En conséquence, ces trois
états sont irréels dans le sens
où ils sont créés par les
trois principes opérants [guna] ;
mais leur Témoin, la Réalité
sous-jacente, qui est au-delà de ces trois
principes, est éternel, Un, et la conscience
même.
59. Une fois l'illusion évanouie, on
n'est plus trompé par la vision d'un pot
dans l'argile ou de l'argent dans la nacre, de
même on ne voit plus d'individu dans la
Réalité lorsqu'on a saisi que la
Réalité est son propre Soi.
60. Tout comme on se représente
l'argile comme étant un pot, l'or une boucle
d'oreille et la nacre de l'argent, on décrit
la Réalité comme étant un
individu.
61. Les visions du bleu du ciel, de l'eau du
mirage et d'une figure humaine dans un poteau ne
sont qu'illusions ; il en est de même pour
l'univers au sein du Soi.
62. Tout comme sont illusoires l'apparition
d'un fantôme dans un lieu vide, celle d'un
château dans l'espace ou d'une
deuxième lune dans le ciel, l'apparence de
l'univers est illusoire dans la
Réalité.
63. À la manière dont l'eau
prend la forme de rides et de vagues ou dont le
cuivre apparaît sous la forme d'un
récipient, de la même façon, le
Soi apparaît en tant que l'univers
entier.
64. Tout comme l'argile apparaît sous
le nom d'un pot ou, que le fil se montre sous le
nom de tissus, le Soi apparaît sous le nom
d'univers. On connaît ce Soi en ignorant les
noms.
65. Les gens accomplissent toutes leurs
actions dans et par la Réalité, mais
ils ne s'en rendent pas compte à cause de
l'ignorance, à la façon de ceux qui
ne savent pas que les carafes et autres poterie ne
sont autre que de l'argile.
66. Il ne peut jamais y avoir de relation de
cause à effet entre l'argile et le pot, tout
comme il n'existe pas le moindre rapport entre la
Réalité et le monde
phénoménal ; ce fait a
été établi ici même sur
la base des Écritures et du
raisonnement.
67. À la façon dont la
conscience de l'argile s'impose à nos esprit
quand nous pensons à une carafe,
l'idée de la Réalité au
rayonnement omniprésent nous illumine
soudain lorsque nous contemplons le monde
phénoménal.
68. Bien que pur à jamais pour un
sage, le Soi apparaît toujours impur à
l'ignorant, de la même façon qu'une
corde apparaît toujours de deux façons
différentes au connaissant et à
l'ignorant.
69. À la manière dont un pot
est entièrement façonné en
argile, le corps l'est en la seule conscience. En
conséquence, la séparation que fait
l'ignorant entre le Soi et le non-Soi est
vaine.
70. À la façon dont on prend
une corde pour un serpent, la nacre pour de
l'argent, l'ignorant prend le Soi pour le
corps.
71. Tout comme l'argile est prise pour une
poterie et le fil pour du tissus, le Soi est pris
pour le corps par l'ignorant.
72. L'ignorant réduit le Soi au corps
de la même manière que l'or est
réduit à des boucles d'oreille et
l'eau à des vagues.
73. Voir une figure humaine dans la forme
d'un tronc d'arbre ou de l'eau dans un mirage est
la même méprise que celle de
l'ignorant qui prend le corps pour le Soi.
74. Tout comme on prend un ouvrage en bois
pour une maison et du fer pour une
épée, l'ignorant considère le
Soi comme étant le corps.
75. L'illusion de voir un arbre en raison de
la présence de l'eau, ressemble exactement
à l'illusion de l'ignorant qui prend le Soi
pour le corps.
76. Celui qui naviguant à bord d'un
bateau a l'impression que tout bouge, est autant
sujet à l'ignorance que celui qui prend le
Soi pour le corps.
77. Tout comme une personne qui souffre de
jaunisse voit les objets blancs colorés en
jaune, celle qui prend le Soi pour le corps est
sujette à l'ignorance.
78. Celui dont les yeux ont un défaut
voit tout déformé de la même
façon que celui qui prend le Soi pour le
corps est ignorant.
79. Tout comme un flambeau que l'on fait
tourner en rond semble aussi circulaire que le
soleil en raison du mouvement rotatif, l'ignorant
prend le Soi pour le corps par méprise.
80. À la façon dont les objets
de grande taille paraissent tout petits en raison
d'une grande distance, le corps est confondu avec
le Soi par l'ignorant.
81. Celui qui voit de tout petits objets
paraître très grands quand il les
regarde à travers une loupe est tout aussi
illusionné que celui qui prend le corps pour
le Soi par ignorance.
82. S'illusionne tout autant celui qui prend
la surface du verre pour de l'eau et vice versa,
que celui qui par pure ignorance considère
le Soi comme étant le corps.
83. À la manière dont une
personne imagine percevoir une pierre
précieuse dans une flamme ou vice versa,
l'ignorant imagine que le Soi est le corps.
84. Tout comme en raison du
déplacement d'un nuage la lune semble
être en mouvement, une personne, en raison de
l'ignorance, prend Atman pour le corps.
85. Exactement comme une personne en proie
à la confusion perd le sens de l'orientation
entre les points cardinaux, une personne prend le
Soi pour le corps par simple ignorance.
86. La méprise de celui qui voit la
lune bouger quand elle se reflète dans l'eau
est identique à celle de l'ignorant qui
méprend le Soi pour le corps.
87. Voilà comment l'illusion du corps
survient dans le Soi par ignorance. Puis,
grâce à la réalisation du Soi,
elle s'évanouit dans ce même Soi
suprême.
88. Quand l'univers entier, mobile et
immobile, est connu comme étant Soi, et
qu'en conséquence l'existence de tout ce qui
est autre est niée, comment alors, peut-on
déclarer que le corps est Soi ?
89. Ô éveillé, passe ton
temps à contempler le Soi sans
relâche, pendant que tu fais
l'expérience de tous les résultats du
prarabdha [karma passé responsable du
corps présent], car il te sied mal
d'être plongé dans l'affliction.
90. La théorie que l'on peut lire
dans les Écritures, selon laquelle le
prarabdha ne lâche pas son emprise même
après l'émergence de la connaissance
de Soi, est maintenant réfutée.
91. Après l'avènement de la
connaissance de la Réalité, le
prarabdha cesse entièrement d'opérer,
puisque le corps et tout ce qui lui est analogue
ont cessé d'exister ; ceci, exactement
comme le rêve qui n'existe plus au
réveil.
92. Ce karma que l'on a accompli lors d'une
vie précédente et qui a produit la
vie présente porte le nom de prarabdha. Mais
un tel karma ne peut se produire chez le
connaissant, car étant libéré
de l'ego il ne peut pas renaître.
93. Le corps dans un rêve est une
projection [et est donc, illusoire] ; il en
va de même pour ce corps-ci. Comment alors un
corps projeté et illusoire peut-il jamais
prendre naissance ? Et, en l'absence de naissance,
à quoi le prarabdha karma peut-il bien se
rapporter ?
94. Les textes du Vedanta posent l'ignorance
comme étant la cause véritable et
matérielle du monde
phénoménal, tout comme l'est l'argile
pour une carafe. Cette ignorance une fois
détruite, où l'univers peut-il
subsister ?
95. Tout comme une personne en proie
à la confusion ne perçoit qu'un
serpent et ignore la corde, un ignorant ne voit que
le monde phénoménal sans
connaître la Réalité.
96. La nature réelle de la corde une
fois connue, l'apparence du serpent ne persiste
pas ; ainsi, une fois le substrat connu, le
monde phénoménal disparaît
complètement.
97. Le corps faisant également parti
du monde phénoménal et étant
donc irréel, comment le prarabdha peut-il
exister ? Les Écritures parlent du prarabdha
dans le simple but de faciliter la
compréhension de l'ignorant.
98. "Et toutes les actions de l'homme sont
anéanties lorsqu'il réalise Cela, qui
est à la fois ce qui est supérieur et
ce qui est inférieur." Ici, l'insistance sur
le pluriel que font les Écritures a pour but
d'annuler également le prarabdha.
99. Si l'ignorant maintient cette position
de manière arbitraire, non-seulement il se
retrouvera pris dans deux absurdités, mais
il risquera aussi de rejeter la conclusion
Védantique. Il convient donc de n'accepter
que les Écritures en tant que source de
connaissance véritable.
100. Maintenant, pour la réalisation
de la connaissance susmentionnée, je vais
faire l'exposé des quinze paliers à
l'aide desquelles on doit pratiquer à tout
moment la méditation profonde.
101. Le Soi qui est à la fois
existence et connaissance absolues, ne peut
être réalisé sans pratique
constante. En conséquence, celui qui
recherche la connaissance doit longtemps
méditer sur la Réalité afin
que s'actualise le but désiré.
102-103. Les paliers sont
énumérées comme suit et dans
l'ordre : le contrôle des sens, le
contrôle du mental, le renoncement, le
silence, l'espace, le temps, la posture, la racine
qui maîtrise [mulabandha],
l'équilibre du corps, la constance de la
vision, le contrôle des forces vitales, le
retrait de l'activité mentale, la
concentration, la contemplation du Soi et
l'absorption totale.
104. La maîtrise de tous les sens mise
en uvre par une connaissance telle que "Tout
ceci est la Réalité" porte le juste
nom de Yama ; elle doit être pratiquée
sans relâche.
105. Le flot continu d'une seule sorte de
pensée, à l'exclusion de toutes les
autres, s'appelle niyama ; niyama est
véritablement la félicité
suprême et les sages la pratiquent
constamment.
106. Abandonner l'univers en
réalisant qu'il est le Soi omni-conscient,
est le vrai renoncement honoré par les
grands, car sa nature est la libération
instantanée.
107. Les sages doivent constamment faire un
avec ce silence auquel les mots et le mental
retournent sans pour autant l'atteindre, mais que
les yogin peuvent atteindre.
108-109. Qui peut décrire Cela
d'où les mots se détournent ? Ainsi,
le silence est inévitable lorsqu'on
décrit la Réalité. Ou encore,
si le monde phénoménal devait
être décrit, même cela est
inexprimable. Ceci, en d'autres termes, peut
également appartenir au silence connu des
sages comme étant inséparable du Soi.
À l'opposé, l'observance du silence
par la maîtrise de la parole est prescrite
par les Enseignants de la Réalité aux
ignorants.
110. Cette solitude est connue comme
étant l'espace au sein duquel l'univers
n'existe ni au début ni au milieu ni
à la fin, mais qui l'imprègne de tout
temps.
111. La Réalité non-duelle,
qui est félicité, est
assimilée au mot "temps", car en un clin
d'il, il donne naissance à tous les
êtres, de la Réalité au plus
irréel.
112. La méditation sur la
Réalité qui se déroule
spontanément et continûment doit
être reconnue comme étant la bonne
posture, et à l'exclusion de toutes les
autres, car elles détruisent le bonheur.
113. Ce qui est bien connu comme
étant l'origine de tous les êtres et
le support de l'univers entier, qui est immuable et
dont les éveillés sont
complètement immergés cela
seul porte le nom de Siddhasana [la
Réalité éternelle].
114. Cela qui est l'origine de toute
existence et cela d'où provient la
maîtrise de l'esprit s'appelle la racine qui
maîtrise [mulabandha] ; cette racine
doit toujours être adoptée puisqu'elle
convient aux pratiquants du Raja Yoga.
115. L'absorption en la
Réalité uniforme doit être
connu comme étant l'équilibre des
membres [dehasamya], car le simple
raidissement du corps comme s'il était un
arbre desséché n'est pas un signe
d'équilibre.
116. En convertissant la vision ordinaire du
monde en vision de connaissance on doit voir le
monde en tant que la Réalité
même. C'est la plus noble des visions, ce que
n'est pas celle qui consiste à se concentrer
sur le bout du nez.
117. Autrement dit, on doit diriger son
regard vers Cela seul où toute distinction
entre celui qui voit, voir et ce qui est vu cesse
et, non vers le bout du nez.
118. Suspendre toutes les fluctuations
mentales en considérant les états
mentaux, tels les souvenirs, comme étant la
seule Réalité, s'appelle
pranayama.
119-120. Nier le monde
phénoménal porte le nom de rechaka
[expiration]. Penser : "En
vérité je suis la
Réalité" s'appelle puraka
[inspiration] et la stabilité de
pensée qui en résulte est
nommée kumbhaka [contrôle de la
respiration]. Voilà comment se
déroule véritablement le pranayama
des éveillés, alors que les ignorants
ne font que torturer leur nez.
121. L'absorption du mental dans la
conscience suprême en réalisant le Soi
dans tous les objets est appelée pratyahara
qu'amène la réalisation du Soi au
sein de toute chose. Cela doit être
pratiqué par ceux qui cherchent la
libération.
122. L'équilibre de l'esprit
amené par la réalisation de la
Réalité, quelle que soit la direction
vers laquelle la pensée se dirige, porte le
nom de concentration suprême
[dharana].
123. Demeurer indépendant de tout, en
conséquence de la pensée
irréfutable : "En vérité, je
suis la Réalité", est ce que l'on
appelle dhyana [méditation] et c'est
générateur de
félicité.
124. L'oubli complet de toute pensée,
en la neutralisant d'abord, puis en l'identifiant
à la Réalité, porte le nom de
samadhi ou de connaissance.
125. L'aspirant doit attentivement pratiquer
cette méditation qui révèle sa
félicité naturelle jusqu'à ce
que, une fois sous son contrôle complet, elle
se produit spontanément et
instantanément dès qu'il y fait
appel.
126. Ayant atteint la perfection, il, le
meilleur de tous les yogis, se libère de
toute pratique. La nature véritable d'un tel
homme ne saurait jamais se transformer en un objet
du mental ou de la parole.
127-128. De nombreux obstacles comme le
manque d'investigation, le désir des sens,
le sommeil, l'ennui, la distraction, la joie et
l'impression de vide apparaissent
inévitablement au cours de la pratique du
samadhi. Cependant, celui qui désire la
connaissance de la Réalité doit peu
à peu triompher de ces innombrables
obstacles.
129. Pendant qu'il pense à un objet,
en vérité, le mental s'identifie
à lui, et lorsqu'il pense à un vide,
il se réduit effectivement à un
néant. Par contre, par la pensée de
la Réalité, il parvient à la
perfection. On doit, donc penser constamment
à la Réalité pour atteindre la
perfection.
130. Ceux qui abandonnent cette
pensée de la Réalité
suprêmement purificatrice, vivent en vain et
au même niveau que des bêtes.
131. Sont véritablement bénies
ces personnes vertueuses qui prennent d'abord
pleinement conscience de la Réalité
puis la développent de plus en plus. On les
respecte où qu'elles aillent.
132. Seuls ceux chez qui cette conscience de
la Réalité, omniprésente, se
développe en maturité, atteignent
l'état de la Réalité qui
existe de toute Éternité. Les autres
ne font que jouer avec les mots.
133. Ceux qui sont doués pour
discuter de la Réalité sans l'avoir
réalisée et qui sont très
fortement attachés au plaisirs du monde,
naissent et meurent de façon
répétée en conséquence
de leur ignorance.
134. Tout comme l'ont fait les sages Brahma,
Sanaka, Suka et d'autres en leur temps, l'aspirant
à la Réalité ne doit pas
demeurer un seul instant sans la pensée de
la Réalité.
135. La nature de la cause est
inhérente à l'effet et non vice versa
; ainsi, en faisant appel au raisonnement, on
s'aperçoit qu'en l'absence de l'effet la
cause en tant que telle disparaît.
136. Alors seule demeure cette pure
Réalité qui dépasse les mots.
Ceci doit être véritablement compris
à l'aide de l'exemple de l'argile et du
pot.
137. Ce n'est que de cette façon
qu'émerge au sein des esprits purs une
conscience de la Réalité, qui se
dissout ensuite dans cette
Réalité.
138. On doit d'abord rechercher la cause par
la négation, puis la découvrir par
l'affirmation comme étant toujours
inhérente à l'effet.
139. En vérité, on devrait
voir la cause dans l'effet, puis rejeter
complètement l'effet. Ce qui demeure alors,
le sage le devient lui-même.
140. Une personne qui médite sur
quelque chose avec une grande assiduité et
une conviction inébranlable, devient cette
chose même. On peut comprendre cela avec
l'exemple de la guêpe et du vers. [Une
croyance populaire veut que lorsqu'une guêpe
emporte un insecte dans son trou, ce dernier est
tellement terrorisé qu'il pense constamment
à son agresseur, jusqu'à se
transformer lui-même en guêpe. De
même, la personne qui médite sur la
Réalité de tout son esprit finit par
devenir la Réalité le moment
venu.]
141. Le sage doit constamment et avec
vigilance considérer l'invisible, le visible
et tout le reste comme étant son propre Soi,
qui est conscience même.
142. Ayant réduit le visible à
l'invisible, le sage doit considérer
l'univers comme faisant un avec la
Réalité. Ainsi seulement, il
demeurera dans le bonheur éternel avec un
esprit rempli de conscience et de
félicité.
143. Ainsi a été décrit
le Raja Yoga qui consiste des paliers ci-dessus
expliqués. Pour le bien de ceux dont les
désirs du monde n'ont été que
partiellement atténués, le raja-yoga
sera pratiqué conjointement avec le Hatha
Yoga.
144. Le seul Raja Yoga produira la
perfection uniquement chez ceux dont l'esprit est
à pleine maturité. À nouveau,
la pureté d'esprit est rapidement accessible
à ceux qui sont dévoués
à l'Enseignant et à la
Divinité.
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