6.
Si vous considérez que Brahman, votre propre
nature véritable, est différent de
vous, il vous semblera timide, séparé
et vous donnera l'impression de
s'éclipser.
7. Tout effort pour atteindre la
réalité en la pensant
différente de ce que nous sommes, fera que
l'expérience non-duelle, dans laquelle nous
demeurons en tant que réalité,
s'éloignera à une distance
incommensurable.
8. Ne vacillez pas, même un seul
instant, en croyant être face à des
obstacles insurmontables [sur la voie].
Restez plutôt vigilant dans la méthode
infaillible et garantie que vous avez
adoptée celle de ne pas oublier le
Soi.
Bhagavan : Toutes les idées comme :
"l'accomplissement est ardu", "la
réalisation du Soi est loin de moi" ou
encore "il me faut surmonter bien des
difficultés pour connaître la
réalité" doivent être
rejetées, car ce sont des obstacles ; elles
sont créées par ce faux soi,
l'ego.
9. Il est nocif d'accorder de l'importance
aux expériences extatiques
vécues par un
esprit qui n'a pas connu clairement la
réalité à travers le
pouvoir
[shakti] de Shiva.
Qu'est-ce qui constitue une pratique efficace
?
10. La plus éminente des pratiques
[sadhana] est le silence du mental ;
c'est ce que le
disciple véritable devrait pratiquer.
Bhagavan : Le silence est de quatre sortes :
le silence de la parole, le silence
de l'oeil, le silence de l'oreille et le silence du
mental. Seul ce dernier
est pur silence, et c'est le plus important.
11. De quelle utilité sont ces voies
qui ne révèlent pas clairement
le Soi, bien
qu'elles expliquent clairement d'autres sujets
?
12. Votre devoir c'est de n'être
attentif qu'à ce qui existe
déjà. Toutes les
autres pratiques spirituelles [sadhana] ne
sont qu'un immense rêve.
13. Les nombreuses pratiques diverses se
trouvent être harmonisées
lorsque le
pratiquant [sadhaka] parvient d'abord
à découvrir et à
connaître la
vérité de sa nature
véritable.
14. La forme de pratique la plus
appropriée, la meilleure pratique
[sadhana]
que vous puissiez suivre, c'est de vous questionner
vous-même et
de demeurer inébranlable en tant que
Soi.
L'importance du silence physique
15. La première leçon et la plus
importante, que les pratiquants [sadhaka]
doivent apprendre est le silence.
16. Le silence [s'abstenir de
parler] est le médicament qui peut
modifier l'habitude
de parler inutilement comme un fou.
L'importance de la résorption du
mental-conscience
17. Réfrénez l'activité
effervescente du mental-conscience. Ensuite,
à la
façon dont vous enfonceriez un clou avec
force, détruisez et annihilez-le
dans la pure
conscience.
18. La mesure dans laquelle [ce]
mental-conscience plongera au-dedans
sera proportionnelle
au jaillissement de la félicité du
Soi qui se révélera.
Guru Vachaka Kovai, strophe 451 : La mesure
dans laquelle vous plongez
dans le Coeur est équivalente à celle
de l'expérience de la
félicité qui
s'unit à vous, en tant que nature
non-divisée et véritable du
Soi [Atma
svarupa]. Cette dernière existe et
brille avec une nature diamétralement
différente [de celle des plaisir des
sens].
Vilakkam : La félicité de
notre nature [svarupa] se manifeste
proportionnellement
à la profondeur du plongeon dans le Coeur.
Il est donc
tout aussi approprié de dire :
"...proportionnellement au déclin
de la conscience qui discrimine
[suttarivu]." Bhagavan dit que
même lorsqu'on
obtient un objet désiré, on ressent
la félicité parce que
le mental plonge dans le Coeur. Ainsi, au fur et
à mesure que l'esprit
demeure de plus en plus dans le Coeur et sans
discriminer [suttarivu],
à la façon d'un être
avisé qui ne s'éloigne pas d'un
endroit ombragé,
la félicité du Soi rayonnera
d'elle-même.
19. À moins que le mental ne
maintienne une position de simple
témoin de
tout et qu'il ne se conduise en tant que tel, que
peuvent apporter
tout le reste [des pratiques] à
l'aspirant [sadhaka] ?
Abandonner les distinctions
20. La perplexité de l'esprit s'explique
par le fait de croire en la
réalité des
paires d'opposés enivrantes et
créatrices de dépendance.
21. Comment "aimer" et "ne pas aimer"
sauraient-ils être inhérents
à la
réalité non-duelle qui ne
connaît ni rejet ni acceptation ?
22. Abandonnez la controverse ; abandonnez
la distinction entre "je" et
"ceci" qui naît de l'illusion, et devenez
glorieusement entier.
23. Détruire le sentiment qu'il
existe des différences [bheda
buddhi] est
l'accomplissement magnifique que l'on atteint
grâce à une pratique
[sadhana]
approfondie.
24. Demeurez, baignant constamment dans les
eaux qui coulent à flot de
la félicité inégalée,
au-delà de toute différenciation.
Ignorer le non-Soi
25. C'est le désir de connaître
quelque chose d'autre que la conscience
qui nous pousse dans
l'ignorance et l'illusion.
26. Agripper, non pas la forme de la
conscience, mais ce qui lui est étranger,
voilà l'étonnante stupidité
qui est l'image même de l'intoxication.
27. Plutôt que de gagner la paix en
considérant la conscience comme
réalité,
pourquoi vous tracassez-vous de choses
étrangères [à la
conscience]
comme si elles étaient cette
réalité ?
28. Il vous faut savoir que l'origine
primordiale de la paix se trouve en
soi-même, et
pas dans le non-Soi.
29. À moins que ne cessent les
pensées d'objets qui sont le non-Soi,
la paix de
notre propre nature-Soi authentique ne se
réalisera pas dans le Coeur.
30. Ces êtres illusionnés qui
ne renoncent pas à ce qui est
étranger [au Soi]
et qui ne s'en tiennent pas à la forme de
leur propre conscience seront
pris de frénésie et se perdront.
31. Vous parviendrez peut-être
à connaître de façon
très précise les principes
faux du non-Soi [anatma tattva], mais ces
efforts seront tous vains.
Question : Est-il nécessaire pour
celui qui désire ardemment la
libération
d'étudier la nature des classifications de
la réalité ou
catégories [tattva]
?
Bhagavan :
Tout comme qui veut jeter des déchets n'a
pas besoin de les
analyser ni de voir leur composition, il n'est pas
nécessaire à celui
qui souhaite
connaître le Soi de compter les
catégories ou de se renseigner
sur leurs caractéristiques ; tout ce qu'il a
à faire, c'est de rejeter
complètement les catégories ou
éléments qui dissimulent le
Soi. Le monde doit
être considéré comme un
rêve.
32. N'errez pas de-ci de-là en
portant votre attention sur le non-Soi.
Demeurez dans la
plénitude qu'est votre propre vraie nature,
qui est la félicité
de la paix.
Question : Le renoncement est-il
nécessaire pour la réalisation du Soi
?
Bhagavan : Le renoncement et la
réalisation sont une et même
chose. Ce
sont des aspects différents d'un même
état. Abandonner le non-Soi est renoncement.
Inhérent au Soi est la Connaissance
[jnana] ou réalisation
du Soi. L'un est l'aspect négatif et l'autre
est l'aspect positif de
la même et unique vérité.
Question : Qu'est-ce que la pure
présence ? Comment l'obtenir puis
la cultiver ?
Bhagavan : Vous êtes pure
présence. Pure présence est un autre
de vos noms.
Comme vous l'êtes, il n'est pas besoin de
l'atteindre ni de la cultiver.
Il faut seulement abandonner le fait d'être
conscient de choses autres, c'est-à-dire
du non Soi. Si l'on renonce à être
conscient de ces choses, alors
seule demeure la pure présence, et c'est le
Soi.
33. Pourquoi, désertant le Soi, la
vérité suprême,
flânez-vous avec ce qui
[Lui] est étranger ?
34. À moins que le désir du
non Soi ne cesse entièrement, cette
réalité permanente
ne sera pas atteinte.
35. Que peut faire le mental, qui ne
connaît que le non-Soi, pour
connaître la
nature véritable du Soi [Atma
svarupa] ?
Question : Comment trouver le Soi
[Atman] ?
Bhagavan : Aucune investigation ne peut
porter sur le Soi [Atman].
L'investigation ne
peut porter que sur ce qui n'est pas le Soi.
Seule l'élimination
du non Soi est possible. Étant constamment
évident de lui-même,
le Soi resplendira seul de lui-même7.
36. N'errez pas en quête du non-Soi,
mais attelez-vous plutôt à la
tâche de vous
fondre avec votre propre nature, la Connaissance
[jnana].
37. Ceux dont
le coeur aura été
pénétré par la lumière
de Padam ne verront
pas le non-Soi, la cause de l'affliction.
Le yoga
38. Ce que l'on atteint par le hatha yoga est
un accomplissement défectueux
car il peut être perdu. Mais pour celui qui a
atteint la Connaissance
[jnana], l'accomplissement parfait, rien ne
se perd jamais.
Dans ce contexte
hatha yoga signifie "yoga forcé" ou
accomplissement yogique
maintenu par l'effort :
Bhagavan : Les gens demandent souvent
comment contrôler le mental.
Je leur
réponds : "Montrez-moi le mental et vous
saurez quoi faire." Le
fait est que le mental n'est composé que de
pensées. Comment pouvez-vous
l'anéantir en pensant le faire ou en
désirant que cela se fasse
? Vos pensées et vos désirs font
partie intégrante du mental. Toute
nouvelle
pensée ne fait que renforcer le mental ; il
est donc stupide d'essayer
de tuer le mental au moyen du mental. La seule
manière de s'y
prendre, c'est de trouver sa source et de s'y
tenir. Le mental s'évanouira
ensuite de lui-même. Le yoga enseigne le
contrôle des activités
mentales [chitta vritti nirodha]. Pour ma
part, je parle de l'investigation
du Soi [Atma vichara]. Ce moyen est
éminemment pratique.
Le sommeil, l'évanouissement ou le manque de
nourriture provoquent
le contrôle de l'activité mentale
[chitta vritti nirodha]. Dès
que l'une de ces
causes cesse, il se produit une recrudescence des
pensées. Donc,
à quoi bon cette démarche ? Dans
l'état de torpeur, la paix
règne et
aucune affliction ne se fait sentir ; mais
l'affliction ressurgira une
fois l'état de torpeur passé. Donc,
le contrôle [nirodha] est
inutile et ne
saurait être d'un bienfait durable.
39. Avec bonté, Padam octroie la
majesté de la vérité en
détruisant l'ennemi,
l'illusion. C'est ainsi qu'il met fin à la
souffrance qu'occasionne
le contrôle de la respiration par le hatha
yoga.
40. Pour ceux qui à travers la
grâce de Bhagavan essayent de
connaître leur
nature véritable ou pure conscience, la
méthode du contrôle de la
respiration
[pranayama] est un attachement
trompeur.
Quand Bhagavan parlait de la pratique du pranayama,
il était rarement aussi
critique que dans ces deux dernières
strophes. En général, il
disait que le
pranayama pouvait s'avérer être une
aide préliminaire utile pour
les disciples qui ne
parvenaient pas à maîtriser leur
esprit autrement. Mais il
ajoutait presque toujours que l'effet du
contrôle de la respiration
était inévitablement
temporaire. Voici ce qu'il en dit dans Qui
suis-je ? :
Il n'est pas de moyen aussi approprié pour
résorber l'activité
mentale que
l'investigation. Si nous employons d'autres
moyens, le
mental subsiste dans un état
d'affaiblissement apparent puis il
resurgit. Par exemple, le contrôle du souffle
[pranayama] contribue
à diminuer l'activité mentale.
Toutefois, le mental ne reste
sous contrôle qu'aussi longtemps que la
respiration ou force de
vie dans le corps [prana] l'est
également. Lorsque le prana se
réactive,
l'activité mentale resurgit et vagabonde au
gré de l'influence
des tendances séculaires [vasana]...
Le pranayama n'est
qu'une aide pour contrôler l'activité
mentale ; il n'amènera pas
sa destruction.
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