Question
: C'est plus facile à dire qu'à
faire. L'amour de la Vérité, l'amour
de l'homme, la bonne volonté quel
luxe ! Nous en avons besoin à foison pour
remettre le monde debout, mais qui nous les
dispensera ?
Nisargadatta : Vous pourriez passer une
éternité à chercher autour de
vous la Vérité et l'amour,
l'intelligence et la bonne volonté, une
éternité à prier Dieu et
à implorer les hommes, tout cela en vain. Il
vous faut commencer à chercher en
vous-même c'est une loi inexorable.
Vous ne pouvez pas transformer l'image sans changer
le visage. Il faut que vous réalisiez
d'abord que votre monde n'est qu'un reflet de
vous-même et que vous cessiez d'en attribuer
les défauts au reflet. Soyez présent
à vous-même, mettez de l'ordre dans
votre mental, dans vos émotions. Le physique
suivra automatiquement. Vous parlez beaucoup trop
de réformes économiques, sociales ou
politiques. Laissez les réformes de
côté et inquiétez-vous du
réformateur. Quelle sorte de monde pourrait
créer l'homme stupide, avide, sans cur
?
Question : Si nous devons attendre une
transformation du cur, il nous faudra alors
attendre indéfiniment. Votre conseil vise
à la perfection, mais il porte aussi au
désespoir. Quand nous serons tous parfaits,
le monde sera parfait. C'est un truisme inutile
!
Nisargadatta : Ce n'est pas ce que j'ai dit,
je n'ai fait que dire : "Vous ne pouvez pas changer
le monde avant que vous ne vous soyez
transformé." Je n'ai pas dit, "avant que
tous ne soient transformés". Il n'est ni
nécessaire, ni possible, de changer les
autres. Mais vous pouvez vous changer
vous-même et découvrir, alors, qu'il
n'est besoin d'aucun autre changement. Pour changer
de film vous vous contentez de changez de
pellicule, vous ne vous attaquez pas à
l'écran !
Question : Comment pouvez-vous être
aussi sûr de vous ? Comment savez-vous que ce
que vous dites est vrai ?
Nisargadatta : Ce n'est pas de moi dont je
suis sûr, c'est de vous. Tout ce que vous
avez à faire,
c'est de cesser de chercher hors de vous ce qui ne
peut être trouvé qu'en
vous. Ajustez votre
vision avant d'agir. Vous souffrez de fausses
interprétations à l'état aigu.
Clarifiez votre mental, purifiez votre cur,
sanctifiez votre vie. C'est là le plus court
chemin pour transformer votre monde.
Question : Bien des saints et des mystiques
ont vécu et sont morts. Ils n'ont pas
changé mon monde.
Nisargadatta : Comment l'auraient-ils pu ?
Votre monde n'est pas plus le leur que le leur,
n'est le vôtre.
Question : Mais il y a bien un monde
réel, commun à tous.
Nisargadatta : Le monde des choses, de
l'énergie et de la matière ? Mais si
un tel monde commun des choses et des forces
existe, ce n'est pas le monde dans lequel nous
vivons. Notre monde est celui des sensations et des
idées, des attractions et des
répulsions, des échelles, des
valeurs, des motivations et des stimulations ; en
résumé, un monde mental.
Biologiquement, nous avons besoin de fort peu ; nos
problèmes sont d'une autre nature. Les
problèmes créés par les
désirs, les peurs et les idées
fausses ne peuvent trouver de solution que sur le
plan mental. Il vous faut acquérir la
maîtrise de votre mental, et, pour ce faire,
vous devez aller au-delà.
Question : Que veut dire: aller
au-delà du mental ?
Nisargadatta : N'avez-vous pas
dépassé le corps ? Vous ne suivez pas
d'un il attentif vos fonctions digestives,
circulatoires ou éliminatoires. C'est devenu
automatique ; le mental devrait fonctionner aussi
automatiquement, sans capter votre attention. Cela
ne se produira que si votre 1e mental fonctionne
sans défaut. La plupart du temps nous sommes
le mental et le corps nous en sommes
conscients parce qu'ils sont constamment à
réclamer nos soins. La peine, la souffrance
ne sont que les clameurs du corps et du mental
implorant notre sollicitude. Pour dépasser
le corps, il faut être en bonne santé.
Pour aller au-delà du mental vous devez
avoir un mental en parfait état. Vous ne
pouvez pas laisser le désordre
derrière vous et aller de l'avant. Il semble
que "ramassez vos rebuts" soit une loi universelle,
et une loi équitable, pardessus le
marché.
Question : Puis-je trie permettre de vous
demander comment vous avez transcendé le
mental ?
Nisargadatta : Par la grâce de mon
Guru.
Question : Quelle forme prit-elle ?
Nisargadatta : Il m'a dit ce qui est
vrai.
Question : Que vous a-t-il dit ?
Nisargadatta :
Que je suis la Réalité
Suprême.
Question : Comment avez-vous réagi
?
Nisargadatta : Je lui ai fait confiance et
m'en suis souvenu.
Question : Vous semblez dire que
c'était suffisant ?
Nisargadatta : Qu'aurais-je pu faire de plus
? Ce fut beaucoup que de me souvenir de mon Guru et
de ses paroles. Le conseil que je vous donnerai est
encore plus facile à suivre : souvenez-vous
seulement de vous. Le "je suis" est suffisant
à la guérison de votre mental et pour
mener au-delà. Il ne vous faut qu'un peu de
confiance. Je ne veux pas vous égarer,
pourquoi le ferais-je ? Attendrais-je quelque chose
de vous ? Je veux votre bien, c'est ma nature.
Pourquoi vous tromperais-je ?
Le bon sens, lui aussi, vous enseignera que pour
assouvir un désir il faut que vous gardiez
votre mental fixé sur lui. Si vous voulez
connaître votre nature vraie, il faut que
vous soyez en permanence présent à
votre mental jusqu'à ce que le secret de
votre Être soit dévoilé.
Question : Pourquoi se souvenir de Soi
devrait-il mener à la réalisation de
Soi ?
Nisargadatta : Parce que ce ne sont que
deux aspects d'un même état. Se
souvenir du Soi est dans le mental, la
réalisation de Soi est au-delà du
mental. C'est l'image, dans le miroir, du visage
qui est au-delà du miroir.
Question : Tout ça, c'est très
beau, mais dans quel but ?
Nisargadatta : Pour aider les autres il faut
avoir dépassé le besoin d'aide.
Question : Tout ce que je veux c'est
être heureux.
Nisargadatta : Soyez heureux pour rendre
heureux.
Question : Que les autres prennent soin
d'eux-mêmes.
Nisargadatta : Mais, Monsieur, vous n'en
êtes pas séparé. Le bonheur que
vous ne pouvez pas partager n'est qu'un bonheur
contrefait. Seul ce qui est partageable est
désirable.
Question : D'accord. Mais ai-je besoin d'un
Guru ? Ce que vous me dites est aussi simple que
convaincant, je m'en souviendrai, mais cela ne fait
pas de vous mon Guru.
Nisargadatta : Ce n'est. pas la
dévotion envers une personne qui est
décisive, mais la fermeté et la
profondeur de votre dévotion à la
tâche. C'est la vie même qui est le
Guru Suprême ; soyez attentif à ses
leçons et obéissant à ses
commandements. Si vous en personnalisez la Source,
vous avez le Guru extérieur ; si vous les
recevez directement de la vie, le Guru est
intérieur. Souvenez-vous de l'enseignement
de votre Guru, qu'il soit intérieur ou
extérieur, émerveillez-vous-en,
réfléchissez-y, vivez avec lui,
aimez-le, développez-le en vous,
développez-vous en lui, faites-le
vôtre. Mettez-y tout, et vous obtiendrez
tout. C'est ce que j'ai fait j'ai donne tout mon
temps à mon Guru et à ce qu'il me
disait.
Question : Je suis écrivain de
profession. Pourriez-vous me donner quelques
conseils qui me seraient spécifiques ?
Nisargadatta : L'écriture est
à la fois l'expression d'un talent et un
art. Accroissez votre talent et développez
votre art. Désirez ce qui vaut d'être
désiré, et désirez-le bien.
Vous trouverez votre voie entre les
événements sans perdre votre
direction générale, comme dans une
foule vous choisissez votre chemin entre les gens.
Cela sera facile si vous êtes
sérieux.
Question : Vous nous parlez encore et
toujours du besoin de sérieux. Mais nous ne
sommes pas hommes à la volonté
unique. Nous sommes des agrégats de
désirs et de besoins, d'instincts et de
pulsions. Ils rampent les uns par-dessus les
autres, parfois c'est l'un qui domine, mais jamais
pour longtemps.
Nisargadatta : Il n'y a pas de besoins,
seulement des désirs.
Question : Mangez, boire, vêtir son
corps ; vivre ?
Nisargadatta : Le désir de vivre est
l'unique désir fondamental. Tout le reste
dépend de lui.
Question : Nous vivons parce qu'il le
faut.
Nisargadatta : Nous vivons parce que nous
sommes assoiffés d'existence sensible.
Question : Une chose aussi universelle ne
peut être fausse.
Nisargadatta : Pas fausse, bien sûr.
À sa juste place et en son temps, rien n'est
faux. Mais si vous vous inquiétez de
Vérité, de Réalité,
vous devez tout remettre en question, y compris
votre vie. En affirmant la nécessité
de l'expérience sensible et intellectuelle
vous réduisez votre investigation à
la recherche d'un réconfort.
Question : Je cherche le bonheur, pas un
réconfort.
Nisargadatta : Voyez-vous d'autre bonheur
au-delà du soulagement du corps et du mental
?
Question : En existe-t-il un autre ?
Nisargadatta : Trouvez vous-même.
Examinez chaque pulsion, ne considérez aucun
désir comme légitime. Vide de toutes
possessions, libre de toute auto-sollicitude, soyez
disposé à la découverte.
Question : Il est dans la tradition
spirituelle de l'Inde que le simple fait de vivre
dans le voisinage d'un homme saint et sage conduise
à la libération et que rien d'autre
ne soit nécessaire. Pourquoi ne fondez-vous
pas un ashram pour que des gens paissent vivre
près de vous ?
Nisargadatta : Dès l'instant
où je crée une institution, j'en
deviens prisonnier. En fait, je suis à la
disposition de tous. Les gens ne seront pas plus
les bienvenus sous un toit commun et s'ils
partagent la même nourriture. "Vivre
auprès" ne veut pas dire seulement respirer
le même air. Cela veut dire faire confiance
au maître, lui obéir, ne pas laisser
se perdre ses bonnes intentions. Ayez toujours
votre Guru dans votre cur et souvenez-vous de
ses instructions c'est la seule façon
de demeurer dans le Vrai. La proximité
physique est moins importante. Faites de votre vie
entière l'expression de votre foi en votre
Guru et de votre amour pour lui c'est
là ce qui est vraiment demeurer avec son
Guru.
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