On a
critiqué Shankara pour sa philosophie de la
maya [l'illusion], sans comprendre ce qu'il
entendait au juste. Il affirmait trois choses :
Brahman est réel, l'univers est
irréel, et Brahman est l'univers. Il ne
s'est pas arrêté sur le
deuxième principe. Le troisième
explique les deux premiers ; cela signifie que
lorsque l'univers est perçu en dehors de
Brahman, cette perception est fausse et illusoire.
Ce qui revient à dire que les
phénomènes sont réels quand on
les vit en tant que Soi, et illusoires quand on se
les figure en dehors du Soi.
Seul le Soi existe et est réel. Le monde,
l'individu et Dieu sont comme l'apparence illusoire
de l'argent dans la nacre, des créations
imaginaires au sein du Soi. Ils apparaissent et
disparaissent simultanément. En fait, seul
le Soi est le monde, le "je" , et Dieu. Tout ce qui
existe n'est qu'une manifestation du
Suprême.
Question : Qu'est-ce que la
Réalité ?
Ramana : La Réalité doit
toujours être réelle.
Dénuée de noms et de formes, elle est
ce qui sous-tend noms et formes. Etant
elle-même sans limites, elle se trouve
à la base de toutes les limitations. Elle
n'est assujettie en aucune façon. Etant
elle-même Réelle, elle sous-tend les
irréalités. Elle est cela qui est.
Elle est comme elle est. Elle transcende la parole
et échappe à la description, comme
l'être ou le non-être.
Question : Les bouddhistes nient le monde
tandis que la philosophie hindoue admet son
existence tout en le jugeant irréel,
n'est-ce pas ?
Ramana : Ce n'est qu'une différence
de point de vue.
Question : Ils déclarent que le monde
est créé par l'Energie Divine
[shakti]. La connaissance de
l'irréalité vient-elle du voile de
l'illusion ?
Ramana : Tous admettent la création
par l'Energie Divine ; mais quelle est la nature de
cette énergie ? Elle est forcément en
consonance avec la nature de sa
création.
Question : Y a-t-il des degrés dans
l'illusion ?
Ramana : L'illusion elle-même est
illusoire. Elle doit être
considérée par un observateur
situé en dehors d'elle, mais comment un tel
observateur peut-il être affecté par
l'illusion ? Et, dans ce cas, comment peut-il
parler de ses degrés ?
Vous voyez diverses scènes passer sur un
écran de cinéma : un incendie semble
réduire des bâtiments en cendres ;
l'eau d'une tempête paraît provoquer le
naufrage de navires ; mais l'écran sur
lequel ces images sont projetées demeure
intact : ni le feu ni l'eau ne l'ont atteint.
Pourquoi ? Parce que les images sont
irréelles et que l'écran, lui, est
bien réel.
Semblablement, le nombre et la qualité des
reflets qu'il renvoie n'affectent nullement le
miroir.
De la même façon, le monde est un
phénomène sur le substrat de l'unique
Réalité qui n'en est aucunement
touchée. La Réalité est
seulement Une.
Parler ou non d'illusion dépend seulement du
point de vue que l'on adopte. Modifiez votre point
de vue pour celui de la Connaissance et vous vous
apercevrez que l'univers n'est que Brahman. Etant
donné que vous êtes à
présent plongés dans le monde, vous
le voyez comme un monde réel ;
placez-vous au-delà, il disparaîtra,
et ne demeurera alors que la
Réalité.
Le monde est perçu comme
réalité objective apparente quand
l'esprit s'extériorise et abandonne du
même coup son identité avec le Soi.
Quand le monde est perçu ainsi, la
véritable nature du Soi n'est pas
révélée ; inversement, quand
le Soi est réalisé, le monde cesse
d'apparaître en tant que
réalité objective.
C'est l'illusion qui nous fait prendre ce qui est
toujours présent en toute chose, dans une
plénitude de perfection
éclairée de son propre jour
c'est-à-dire le Soi et le noyau de l'Etre
, comme non existant et irréel. Et,
vice versa, c'est l'illusion qui fait prendre pour
réel et doué de sa propre existence
ce qui est non existant et irréel, à
savoir la triade : monde, ego et Dieu.
Pour ceux qui n'ont pas réalisé le
Soi comme pour ceux qui l'ont
réalisé, le monde est réel.
Mais, pour les premiers, la Vérité
revêt la forme du monde, tandis que, pour les
seconds, la Vérité brille en tant que
Substrat et Perfection sans forme du monde.
Voilà tout ce qui les
différencie.
Les noms et les formes qui constituent le monde
changent sans cesse et périssent ; c'est
pourquoi on les dit irréels. Il est
irréel [imaginaire] de
réduire le Soi à ces noms et à
ces formes, et réel de tout
considérer en tant que Soi. Le non-dualiste
affirme que le monde est irréel, mais il dit
aussi : "Tout ceci est Brahman." Il est donc clair
que ce qu'il condamne, c'est de considérer
que le monde a une réalité objective
propre, et non qu'il est Brahman. Qui voit le Soi
ne voit aussi que le Soi dans le monde. Que le
monde apparaisse ou non est sans importance pour
celui qui a connu l'Illumination. Dans un cas comme
dans l'autre, son attention est tournée vers
le Soi. C'est comme les lettres et le papier sur
lequel elles sont imprimées. Vous êtes
tellement pris par les lettres que vous en oubliez
le papier, mais l'Eclairé voit que le papier
est bien le substrat, que les lettres apparaissent
ou non dessus.
Les Védantins n'affirment pas que le monde
est irréel. Il s'agit d'une erreur
d'interprétation. Si tel était le
cas, que signifierait l'affirmation
védantique : "Tout ceci est Brahman" ? Ils
veulent dire simplement que le monde est
irréel en tant que monde, mais réel
en tant que Soi. Si vous considérez le monde
comme non-soi, il n'est pas réel. Tout, que
vous l'appeliez Illusion, Jeu divin [Lila]
ou Energie, doit être au sein du Soi et non
en dehors.
Question : Les Védas
[textes sacrés] contiennent des
explications cosmogoniques contradictoires.
À un endroit il est dit que l'éther
fut créé en premier, dans un
deuxième, c'est l'énergie vitale,
l'eau dans un troisième, et quelque chose
d'autre ailleurs ; comment peut-on concilier tout
ça ? La crédibilité des
Védas ne s'en trouve-t-elle pas
diminuée ?
Ramana : Des voyants différents ont
vu des aspects différents de la
vérité à des époques
différentes, et chacun a mis l'accent sur un
point de vue particulier. Pourquoi vous
inquiéter devant leurs affirmations
contradictoires ? Le but essentiel des
Védas est de nous enseigner la nature
de l'impérissable Soi et de nous montrer que
nous sommes Cela.
Question : J'en conviens parfaitement.
Ramana : Alors, considérez tout le
reste comme des arguments secondaires ou des
explications destinées aux ignorants qui
veulent connaître l'origine des choses.
Le Vedanta dit que le cosmos surgit d'un coup en
même temps que celui qui le voit sans aucun
processus de création progressif. Il est
semblable à un rêve où le
rêveur et son rêve apparaissent
simultanément. Toutefois, certains sont si
attachés à la connaissance objective
que ce genre d'explication ne les satisfait pas.
Ils veulent savoir comment une création
soudaine est possible et soutiennent qu'un effet
doit être précédé d'une
cause. En fait, ils désirent une explication
du monde qu'ils voient autour d'eux. Les
Écritures tâchent donc de satisfaire
leur curiosité avec des théories de
ce genre. Cette approche du sujet porte le nom de
théorie de la création graduelle,
mais le vrai chercheur spirituel peut se satisfaire
de la création instantanée.
Question : On dit que Bouddha ne s'est pas
intéressé aux questions relatives
à Dieu.
Ramana : Oui, et c'est la raison pour
laquelle on a affirmé qu'il était
agnostique. En fait, Bouddha s'efforçait
d'aider le chercheur à connaître la
Félicité ici et maintenant ; les
discussions académiques à propos de
Dieu et les activités de ce genre ne
l'intéressaient pas.
Question : L'étude des sciences, de
la psychologie, de la physiologie, etc.,
constitue-t-elle une aide pour accéder
à la délivrance par le yoga, ou
à la compréhension intuitive de
l'unité de la Réalité ?
Ramana : Bien peu. Une connaissance
théorique est nécessaire pour le yoga
et on peut la trouver dans des livres, mais c'est
l'application pratique qui compte. Les
modèles vivants et l'instruction par
l'exemple représentent les aides les plus
efficaces. Quant à la compréhension
intuitive, quelqu'un peut laborieusement,
peut-être, se convaincre de la
vérité à saisir au moyen de
l'intuition, se faire une vague idée de la
fonction et de la nature de cette
vérité, mais la véritable
intuition relève davantage du ressenti et
nécessite un contact pratique et personnel.
La seule étude par les livres n'est pas d'un
grand secours. Après la réalisation,
tous les bagages intellectuels sont des fardeaux
inutiles qu'il faut jeter par-dessus bord.
Que vaut le savoir de ceux qui ne cherchent pas
à effacer les lettres de la destinée
[de leurs fronts] en se demandant :
"D'où vient notre naissance, nous qui
connaissons les lettres ?" Ils sont tombés
bien bas, au niveau d'un gramophone. Que sont-ils
d'autre, Ô Arunachala ?
C'est ceux qui ne sont pas instruits qui sont
sauvés, plutôt que ceux dont l'ego n'a
pas encore abdiqué, en dépit de leur
savoir. Les ignorants sont sauvés des
griffes implacables du démon de la
suffisance ; ils ne souffrent pas de la maladie des
nuées de pensées et de mots qui
tourbillonnent sans répit ; leur est aussi
épargnée la course aux richesses.
Innombrables sont les maux auxquels ils
échappent.
C'est l'illusion née de l'ignorance qui rend
les hommes aveugles à ce qui est toujours et
pour tous la Réalité inhérente
sise en leur centre naturel du cur, et les
empêche d'y demeurer ; et, au lieu de
s'y établir, ils discutent pour savoir si la
Réalité existe ou pas, si elle
possède forme ou non, ou si elle est non
duelle ou duelle.
Une chose, quelle qu'elle soit, peut-elle
apparaître en dehors de ce qui est
éternel et parfait ? Ce genre de
débats n'en finit pas. Fuyez-les. Retournez
plutôt votre mental au-dedans et mettez un
terme à tout ça. Les discussions ne
sauraient aboutir.
Les Écritures servent à signaler
l'existence de la Puissance supérieure, ou
Soi, et à indiquer le chemin qui y
mène. Telle est leur fonction essentielle.
À part ça, elles ne servent à
rien. Toutefois, elles sont volumineuses, afin de
pouvoir s'adapter au niveau d'évolution de
chaque chercheur. Au fur et à mesure qu'un
homme s'élève, il s'aperçoit
que les paliers déjà gravis ne sont
que des marches menant à des degrés
supérieurs, jusqu'à ce qu'enfin le
but soit atteint. Quand c'est le cas, le but seul
demeure et tout le reste, y compris les
Écritures, devient inutile.
Le labyrinthe compliqué de la philosophie
des diverses écoles est censé
clarifier les choses et révéler la
Vérité, mais, en fait, il crée
la confusion là où il n'en est pas
besoin. Pour comprendre quoi que ce soit, il doit y
avoir le Soi. Le Soi est évident, pourquoi
donc ne pas demeurer en tant que Soi ?
À quoi bon expliquer le non-soi ?
J'ai eu vraiment de la chance de ne l'avoir jamais
pratiquée [la philosophie]. Si je
m'y étais adonné, je ne me trouverais
probablement nulle part, mais mes tendances
naturelles me conduisirent à me demander
directement : "Qui suis-je ?" Quelle chance j'ai
eue !
Question : Bhagavan dit souvent : "Le monde
n'est pas en dehors de vous", ou : "Tout
dépend de vous", ou encore : "Qu'existe-t-il
en dehors de vous ?" Je trouve tout cela
incompréhensible. Le monde existait avant
que je naisse et continuera d'exister après
ma mort, comme il a survécu à la mort
de tant d'êtres qui ont vécu avant
moi.
Ramana : Ai-je jamais dit que le monde
existe à cause de vous ? Je vous ai
seulement posé la question : "Qu'existe-t-il
en dehors de vous ?" Vous devriez comprendre que
par le Soi on n'entend ni le corps physique ni le
corps subtil.
On vous dit que si vous parvenez à
connaître le Soi au sein duquel existent
toutes les idées y compris
l'idée de vous-même, d'autres comme
vous, et celle du monde vous pouvez
réaliser la vérité qu'il y a
une Réalité, une suprême
Vérité qui est le Soi de tout le
monde que vous voyez à présent, le
Soi de toutes les personnalités, l'unique
Réel, le Suprême, le Soi
éternel, distinct de l'ego ou individu,
lequel est impermanent. Il ne faut pas confondre
l'ego, ou l'idée corporelle, avec le
Soi.
Question : Alors Bhagavan veut dire que le
Soi est Dieu ?
Ramana : Vous voyez la difficulté. La
recherche de Soi-même "Qui
suis-je ?" est une technique qui
diffère de la méditation "je
suis Shiva", ou "je suis Lui". J'insiste
plutôt sur la Connaissance de Soi, car vous
vous préoccupez d'abord de vous-même
avant d'entreprendre la découverte du monde
ou de son Seigneur. La méditation "je suis
Lui" ou "je suis Brahman" est plus ou moins
mentale, mais la quête du Soi dont je parle
constitue une méthode directe qui lui est
supérieure. Car, dès que vous vous
mettez en quête du Soi et commencez à
pénétrer en profondeur, le Soi
réel est là qui attend de vous
recevoir et, alors, ce qui doit être fait est
accompli par quelque chose d'autre et vous, en tant
qu'individu, vous ne vous occupez de rien. Au cours
de ce processus, tous les doutes et les
débats cessent d'eux-même, ainsi qu'un
dormeur oublie tous ses soucis pendant son
sommeil.
Question : Quelque chose qui attend
là de me recevoir est-il une certitude ?
Ramana : Quand quelqu'un est suffisamment
mûr, il devient naturellement convaincu.
Question : Que faut-il faire pour atteindre
cette maturité ?
Ramana : On préconise plusieurs
façons d'y parvenir. Mais, quel que soit
l'avancement de la personne, une sincère
Recherche de Soi-Même accélère
les choses.
Question : C'est un raisonnement qui tourne
en rond. Je suis suffisamment fort pour la
quête si je possède la maturité
requise, et c'est la quête qui me donne cette
maturité.
Ramana : Le mental connaît
effectivement ce genre de difficulté. Il
veut une théorie bien établie afin de
s'en satisfaire. Cependant, en
vérité, aucune théorie n'est
nécessaire à l'homme qui s'efforce
sérieusement de s'approcher de Dieu ou de
son authentique Soi.
Tout le monde est le Soi et, de fait, infini.
Pourtant, chacun confond le corps avec le Soi. Afin
de connaître quoi que ce soit, l'illumination
est nécessaire. Elle ne peut être que
de la nature de la Lumière qui
éclaire à la fois la lumière
physique et l'obscurité physique.
C'est-à-dire qu'elle se situe au-delà
de la lumière et des ténèbres
apparentes. Elle-même n'est ni l'une ni
l'autre, mais on la dit lumière parce
qu'elle illumine les deux. Elle est infinie et elle
est conscience. La conscience est le Soi dont nous
sommes tous conscients. Nul n'est jamais
éloigné du Soi et, par
conséquent, tout le monde est
déjà réalisé ;
simplement et voici le grand mystère
les gens l'ignorent et veulent
réaliser le Soi. La réalisation
consiste simplement à se débarrasser
de l'idée erronée que l'on n'est pas
réalisé. Elle n'est pas quelque chose
de nouveau à acquérir. Il doit
déjà exister, sinon il ne serait pas
éternel ; et uniquement ce qui est
éternel mérite tous nos efforts.
Une fois éradiquée la fausse notion
"je suis le corps" ou "je ne suis pas
réalisé", seule demeure la
suprême conscience ou Soi et, dans
l'état actuel de connaissance, les gens
appellent cela "réalisation". Mais, en
vérité, la réalisation est
éternelle et existe déjà, ici
et maintenant.
La conscience est pure connaissance. C'est d'Elle
que naît le mental, lequel est
constitué de pensées.
L'essence du mental est pure conscience ou
éveil. Toutefois, quand l'ego l'assombrit de
nuages, elle fonctionne comme raisonnement,
pensée, ou perception. N'étant pas
limité par l'ego, le mental universel n'a
rien en dehors de lui-même et, par
conséquent, il n'est que conscient. C'est ce
que la Bible veut dire par "je suis le je
suis".
Le mental tourmenté par l'ego voit sa force
sapée et il est trop faible pour
résister à des pensées
pénibles. Le mental dénué
d'ego est heureux, comme nous le voyons dans le
sommeil profond sans rêves. Il est donc clair
que bonheur et douleur ne sont que des modes du
mental.
Question : Quand je recherche le "je", je ne
vois rien.
Ramana : Vous dites ça parce que vous
avez l'habitude de vous identifier au corps et
d'assimiler la vue aux yeux, mais qu'y a-t-il
à voir ? Et par qui ? Et comment ? Il n'y a
qu'une conscience unique qui, lorsqu'elle
s'identifie au corps, se projette par les yeux et
voit les objets alentour. L'individu est
limité à l'état de veille ; il
s'attend à voir quelque chose de
différent et accepte l'autorité de
ses sens. Il ne veut pas admettre que celui qui
voit, les objets vus, et l'acte de voir sont autant
de manifestations de la même conscience
le "je-je". La méditation aide
à vaincre l'illusion que le Soi est quelque
chose à voir. En fait, il n'y a rien
à voir. Comment vous reconnaissez-vous
maintenant ? Vous faut-il tenir un miroir devant
vous pour vous reconnaître ? La conscience
est elle-même le "je". Réalisez-le et
c'est cela la vérité.
Question : Quand je m'interroge et recherche
l'origine des pensées, il y a la perception
du "je", mais ça ne me satisfait pas.
Ramana : Effectivement. Parce que cette
perception du "je" est associée à une
forme, peut-être au corps physique. On ne
devrait rien associer au pur Soi. Le Soi est la
pure Réalité dans la lumière
de laquelle brillent le corps, l'ego et tout le
reste. Quand toutes les pensées se sont
tues, seule demeure la pure conscience.
Question : Comment l'ego a-t-il vu le jour
?
Ramana : Il n'y a pas d'ego. S'il y en avait
un, il vous faudrait reconnaître deux moi en
vous. Par conséquent, il n'y a pas
d'ignorance. Si vous vous interrogez quant au Soi,
l'ignorance, qui est déjà
inexistante, s'avèrera ne pas exister et
vous direz qu'elle a fui.
L'absence de pensée ne signifie pas un vide.
Il doit y avoir quelqu'un qui est conscient de ce
vide. Connaissance et ignorance participent
seulement du mental et de la dualité, mais
le Soi les transcende tous les deux. Il est pure
Lumière. Le Soi n'a nul besoin d'en voir un
autre. Il n'y a pas deux Soi. Ce qui n'est pas le
Soi est simplement non-soi et ne peut voir le Soi.
Le Soi n'a ni vue ni ouïe ; il se situe
au-delà, tout seul, en tant que pure
conscience.
Question : Je ne sais pas si le Soi est
différent de l'ego.
Ramana : Dans quel état
étiez-vous en plein sommeil ?
Question : Je ne sais pas.
Ramana : Qui ne sait pas ? Le moi à
l'état de veille ? Mais vous ne niez pas que
vous existiez en plein sommeil ?
Question : J'étais et je suis, mais
je ne sais pas qui était en plein
sommeil.
Ramana : Exactement. À l'état
de veille, l'homme dit qu'il ne savait rien en
état de sommeil profond. Maintenant, il voit
des objets et sait qu'il existe, mais, en sommeil
profond, il n'y avait ni objets ni spectateur. Et
pourtant, la même personne qui parle à
présent existait aussi en plein sommeil.
Quelle différence y a-t-il entre les deux
états ? À présent, il y a des
objets ainsi que le jeu des sens, qu'on ne trouvait
pas dans le sommeil profond. Une nouvelle
entité, l'ego, est apparue. Elle agit par
l'intermédiaire des sens, voit des objets,
se confond avec le corps et prétend
être le Soi. En réalité, ce qui
était en plein sommeil continue
également à être maintenant. Le
Soi est constant, immuable. C'est l'ego qui est
venu entre-temps. Ce qui se lève et se
couche est l'ego. Ce qui reste invariable est le
Soi.
La veille, le rêve et le sommeil ne sont que
des phases du mental, pas du Soi. Le Soi est le
témoin de ces trois états. Votre
véritable nature existe dans le sommeil.
Question : Mais il est conseillé de
ne pas s'endormir pendant la méditation.
Ramana : Il faut se garder de ces
accès de stupeur. Ce sommeil qui alterne
avec la veille n'est pas le vrai sommeil. Cette
veille qui alterne avec le sommeil n'est pas la
véritable veille. Etes-vous
éveillé maintenant ? Non. Il faut
vous éveiller à votre état
véritable. Vous ne devriez, ni sombrer dans
un faux sommeil, ni rester faussement
éveillé.
Bien que présent même dans le sommeil,
le Soi n'est pas perçu à ce
moment-là. On ne peut le connaître
dans le sommeil tout de suite. Il doit d'abord
être réalisé à
l'état de veille, car c'est notre vraie
nature sous-jacente à l'ensemble des trois
états. Il faut faire un effort à
l'état de veille et réaliser le Soi
ici et maintenant. On comprendra alors qu'il est
bien le Soi continu ininterrompu par les diverses
phases de la veille, du rêve, et du sommeil
profond.
|