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NEEM  KAROLI  BABA

MIRACLE  DE  L' AMOUR



Que règne la paix et l'amour parmi tous les êtres de l'univers. OM Shanti, Shanti, Shanti.

introduction | 1. ...les abeilles affluent | 2. darshan | 3. prendre du chai | 4. sous la couverture de maharajji | 5. la foi... pas la peur | 6. clé de l'esprit | à suivre...

5.  LA  FOI...  PAS  LA  PEUR




AHARAJJI
 ne nous transmettait pas des actes, des mots ou des opinions mais quelque chose de beaucoup plus subtil. C'était à l'intérieur, dans le tréfonds, qu'il nous transformait.


Le mélodrame haut en couleurs qui se jouait dès que Maharajji arrivait quelque part ; les multiples points de vue de ses disciples sur sa personne et les mille façons qu'ils avaient de réagir à son action ainsi que les nombreux visages qu'il leur présentait en retour – colères et insultes, réprimandes et manifestations de tendresse – l'espace et le temps en étaient remplis lorsque nous nous trouvions avec lui et pourtant... nous savions bien que ce n'était là que la part visible et non l'essence de la relation qui nous liait à lui.

Il touchait absolument tous les aspects de la vie sans exception.

Vous savez, vous pouviez aller voir Maharajji avec toutes sortes de problèmes. Vous restiez assis à côté de lui un moment et vous vous aperceviez qu'ils étaient tous résolus.

Il créait toute une situation dans le seul but de vous instruire. Il ne donnait jamais de conférences ni de causeries et ne prenait jamais les Ecritures comme support mais se servait d'incidents et de situations.



Maharajji nous guidait sur tous les plans – spirituel, mental et matériel. Il nous donnait des directives sur la façon d'élever les enfants, d'être un bon mari ou une bonne épouse et de réussir dans les affaires. Mais il ne s'agissait pas de règles ou d'instructions spécifiques. En fait il nous guidait en changeant notre cœur.

Un groupe de gens d'Esalen, des gens très importants, m'avait invité à aller étudier en Amérique du Sud auprès d'un instructeur soufi. Comme je ne savais pas trop quoi faire, j'écrivis à K. K. de demander à Maharajji si je devais aller faire ce stage au Chili. Voici ce que me répondit K. K. : "Maharajji dit que tu peux aller étudier avec un saint soufi si tu le souhaites."

En lisant cette lettre il se passa quelque chose dans mon cœur et je sus tout à coup de façon certaine que je ne voulais pas partir en Amérique du Sud. Je restai donc aux États-Unis. Lorsque, de retour en Inde, je parlai de cette histoire à K. K., il me dit : "Quand j'ai posé la question à Maharajji, il a répondu : "Qu'il y aille s'il le souhaite..." Et il a ajouté : "Pourquoi voudrait-il aller là-bas ?" Mais il m'a aussitôt recommandé de ne pas écrire cette dernière remarque."
[R.D.]

C'était à cette plus grande profondeur que nous nous considérions comme faisant partie d'un troupeau dont Maharajji était le berger. Grâce à ce genre d'influence au-delà des mots, notre foi grandissante remplaçait nos anciennes peurs. Au beau milieu des incertitudes de l'univers en constant changement, si nous gardions Maharajji présent dans notre cœur, si nous lui faisions confiance et nous protégions sous sa couverture, nous sentions que rien ne pourrait nous arriver.

Du fait de cette foi qu'ils avaient en sa protection, des dévots qui vivaient depuis des années avec Maharajji manifestaient une totale absence de crainte dans l'existence. À certains il apprit spécifiquement à ne plus avoir peur.

Un jour Maharajji me fit venir pour me dire : "Ram Dass, tu ne dois avoir peur de rien." [R. D.]

À une époque où mes finances étaient en piteux état Maharajji vint chez moi et m'assura que je ne devrais pas m'inquiéter. Je lui répondis que je ne faisais rien pour provoquer l'angoisse – même si j'étais bel et bien angoissé. "Non, non, tu ne devrais avoir aucune inquiétude."

C'est bizarre. Je suis toujours le même mais je ne m'en fais plus dans les moments difficiles, je suis persuadé que tout finira par s'arranger. C'est l'œuvre de Maharajji : je ne me suis plus jamais fait du mauvais sang.

Ma femme dit : "Tu es complètement changé. Même les choses graves ne t'affectent plus."

Il ne m'avait pas dit qu'il allait le faire mais, ce jour-là, il m'avait enlevé mon inquiétude.

Maharajji avait pris toutes mes responsabilités sur ses épaules. Un jour il me dit de ne jamais rien redouter, que personne ne pourrait jamais rien me faire. Du temps où il était physiquement devant nous nous n'étions pas si courageux mais à présent mon courage augmente de jour en jour. Je sens maintenant son pouvoir à l'œuvre sur moi. Je le vois maintenant en songe mais ça ne dure pas longtemps. Je suis convaincu qu'il travaille pour ses disciples.

K. K. était tellement rongé par la peur qu'elle lui obscurcissait l'âme. Maharajji lui dit : "Tu vis dans la crainte. Tu es si simple, ils sont malins et abusent de toi. Pour l'instant tu redoutes les brahmanes. Mais tu n'auras peur de personne."

K. K. lui répondit : "Pour ce que vous venez de m'annoncer je veux la grâce de votre bénédiction."

Alors Maharajji lui administra deux ou trois petites tapes dans le dos et ensuite tout le monde remarqua que K. K. avait changé.

Un jour on signala aux autorités que je ne remplissais pas suffisamment des caissettes de fruits, qui ne faisaient pas le poids requis. J'étais innocent mais ces accusations portées contre moi m'inquiétaient. Maharajji me passa un savon :

"Froussard ! Ne sois jamais un lâche ! Sois courageux ! Espèce de poltron ! Pourquoi as-tu peur ? On dirait que tu ne me connais pas ! Je suis avec toi !" Puis il me rappela comment Ram protégeait ses dévots. Il me garantit que lui aussi protégeait toujours ses disciples. Même s'ils perpétraient des centaines de crimes, il leur accorderait une protection totale.

Les témoignages prouvant que la foi en Maharajji était vraiment une valeur sûre ne manquent vraiment pas :

Eh bien je me trouvais à Kainchi. Je suis allé voir Maharajji pour lui annoncer que je devais partir : "La saison des fruits commence et il faut que je me rende là-bas sinon je vais subir des pertes considérables. Vous savez que je suis un homme lié aux choses de ce monde. Je dois cueillir mes fruits et les expédier à Bombay et dans des grandes villes comme ça. Ils mûrissent de jour en jour et si je reste à Kainchi ils seront bientôt trop avancés, alors je ne pourrai plus les vendre."

Maharajji me dit : "Non non, tu restes ici. Tu t'en iras demain."

Quinze jours passèrent ainsi. Puis Maharajji finit par m'annoncer : "Demain je te renvoie chez toi. Prépare-toi !"

Le lendemain je suis donc arrivé ici et les fruits étaient tous trop mûrs. Je me suis dit que Maharajji avait causé ma perte. Je ne pouvais envoyer ces fruits trop avancés qu'à des marchés de la région comme Kanpur et Allahabad – et non pas à Bombay où nous obtenions de bien meilleurs prix.

Et que s'est-il passé ? Il y eut un effondrement des prix ! Les producteurs qui avaient expédié leurs fruits à Bombay, Calcutta ou Madras ne purent même pas payer les frais de transport ! Et moi qui avais vendu ma production dans des marchés locaux, je gagnai bien plus que prévu. J'en avais tellement voulu à ce Maharajji de m'avoir retenu sans raison à Kainchi... Ses voies sont impénétrables !

Pour une raison quelconque une maison avait été encerclée et ses habitants enfermés à double tour pendant trois jours et trois nuits d'affilée par des ennemis de la famille. S'ils restaient prisonniers à l'intérieur ils allaient mourir de faim et, s'ils sortaient, ils se feraient rouer de coups par cette bande de malfaiteurs. Alors que les membres de la famille assiégée parlaient entre eux de ce dilemme, ils entendirent quelqu'un crier à la porte : "Ouvrez ! Ouvrez ! Sortez et battez-vous ! Appartenez-vous à une caste supérieure ou êtes-vous une bande de froussards ? Allez !" Ils jetèrent un coup d'œil timide au dehors et reconnurent Maharajji qui brandissait une trique et criait à tue-tête. Alors tous saisirent des bâtons et coururent le rejoindre. Quand les assaillants virent la famille sortir armée et s'élancer sous le commandement de cet énergumène corpulent, ils prirent leurs jambes à leurs cous.

Alors Maharajji donna des instructions : "Téléphonez à untel et à untel. Dites-leur que je suis ici."

En moins d'une demi-heure des responsables de la police et des ministres d'Etat se retrouvèrent dans le salon de l'homme dont la maison avait été encerclée. Et les attaques contre sa famille cessèrent aussitôt et définitivement.

Un bébé de huit mois se tenait debout sur un balcon à dix mètres du sol en compagnie de son frère aîné et d'un serviteur qui faisaient voler un cerf-volant. Soudain le bébé tomba sur le sol de marbre dix mètres plus bas. La mère tenta en vain d'attraper l'enfant avant qu'il ne heurte le sol. Il gisait inerte mais n'avait pourtant pas l'air d'avoir de membres brisés. Soudain il éclata de rire et le docteur appelé en urgence ne put que constater que, miraculeusement, le bébé n'avait rien. Quelques jours plus tard la famille reçut la visite de Maharajji qui leur dit : "Vous avez eu une grande frayeur. Ce jour-là vous aviez oublié celui qui est constamment là, sur vos épaules, et vous protège. Le bébé n'est pas tombé par terre. Il est tombé sur mes genoux."

Un jour, à Madras, Maharajji demanda à se faire examiner les yeux par un bon docteur. "Connais-tu un bon médecin ici ?" Je lui expliquai qu'il y avait un spécialiste tout près. "Très bien, me dit-il, je lui montrerai mes yeux." Ce soir-là je découvris que ce médecin n'était pas en ville pour l'instant et fixai donc un rendez-vous avec un de ses confrères à dix heures trente du matin.

Quand j'expliquai la situation à Maharajji il me demanda qui était cet autre spécialiste et, quand je lui appris son nom, Maharajji s'exclama : "Non non, pas question ! Je veux voir le premier médecin, pas l'autre."

Maharajji me demanda de venir le voir au bout de trois jours. Ça représentait une longue attente et j'étais impatient. Au bout de deux jours, le premier docteur revint et je pris donc rendez-vous pour Maharajji. J'allai immédiatement l'en informer au dharmashala [l'auberge], mais je m'aperçus qu'on était en train d'enlever ses bagages. Quand je lui appris que le spécialiste était revenu il se mit à rire : "Aujourd'hui je vais à Rameshwaram." Il ne voulut pas que je l'accompagne.

Environ un mois plus tard, je cassai mes lunettes en me rendant à Bombay. Un spécialiste m'en fit une nouvelle paire, mais, cinq minutes après les avoir mises, je fus pris d'un terrible mal de tête. L'opticien vérifia tout et m'assura qu'elles étaient parfaitement adaptées mais qu'il me faudrait plusieurs jours pour m'y habituer.

Je revins à Madras mais ne pouvais toujours pas supporter mes lunettes plus de quelques minutes d'affilée. Je décidai de les montrer à un spécialiste de la ville et hésitai entre deux oculistes – le premier médecin ou le second. Le deuxième était très rapide et toujours disponible tandis que le premier avait énormément de clients et il fallait toujours attendre des heures pour le voir. Mais je me souvenais de ce que m'avait dit Maharajji et je contactai donc le premier. Quand je le dis à mon fils, il demanda à m'accompagner pour un bilan oculaire. Après avoir contrôlé l'état de mes yeux, le docteur s'aperçut que le médecin de Bombay ne m'avait pas prescrit les lunettes qu'il fallait et corrigea l'erreur de son confrère. Quand il examina les yeux de mon fils il découvrit que la cornée était déchirée – et que la chose était suffisamment grave pour nécessiter une opération immédiate. Mon fils ne fut pas en mesure de se présenter à ses examens de fin d'année universitaire mais ses yeux furent sauvés. Je compris alors le pourquoi de la lilâ [jeu divin] que m'avait fait jouer Maharajji un mois plus tôt.

Un dévot d'Allahabad disait avoir rencontré Maharajji quarante ans plus tôt. Il voyageait de nuit et s'était totalement perdu quand il aperçut soudain une grotte éclairée. En approchant il découvrit Maharajji assis à l'intérieur. Celui-ci lui donna à manger et, une fois le repas terminé, lui dit : "Tu es perdu. Prends cette direction !" Il n'eut qu'à faire une quinzaine de pas et le village, soudain, lui apparut. Mais quand il se retourna la grotte ainsi que son environnement immédiat avaient disparu.

Maharajji invitait souvent un dévot sans ressources à l'accompagner à l'occasion de longs pèlerinages. L'homme acquiesçait toujours sans se plaindre bien qu'il lui fallût souvent emprunter de l'argent pour financer ces voyages. Maharajji lui demanda une fois d'aller à Badrinath. Avant de partir l'homme montra à sa femme la petite photo de Maharajji sur leur table de puja et lui expliqua que si, pour une raison ou une autre, elle souhaitait communiquer avec lui pendant son absence, elle n'avait qu'à s'adresser à ce portrait de Maharajji étant donné qu'ils seraient tous les deux ensemble. Quelques jours plus tard, alors qu'ils se trouvaient très haut dans l'Himalaya, Maharajji se tourna brusquement vers son disciple et lui demanda : "Pourquoi es-tu venu ici ?"

Le disciple répondit qu'il avait fait le voyage à sa demande.

Maharajji lui dit : "Chez toi il n'y a pas de dal, pas de farine, rien du tout. Ta femme se fait du mauvais sang parce qu'elle n'a rien à manger et que tu es loin. Tu aurais pu au moins procurer du pain à ta famille !"

Mais la présence de Maharajji avait un effet euphorisant sur les gens. Leurs soucis disparaissaient et ils avaient le sentiment que Maharajji se chargeait de tout pour le mieux. Une demi-heure après avoir reproché au dévot d'avoir laissé sa femme privée de vivres, il s'écria soudain : "On vient d'apporter de la nourriture. Ils ont de quoi manger. La mère du Cachemire leur en a donné. Ne t'en fais pas !"

À son retour le dévot interrogea sa femme. Elle lui expliqua que lorsqu'elle eut épuisé ses réserves elle s'adressa à la photo de Maharajji et lui fit part de ses inquiétudes : il n'y avait plus rien à manger dans la maison. Quelques minutes plus tard une riche voisine qui la traitait comme sa fille arriva chargée de farine, de riz, de dal, etc. Elle alla aussitôt devant la photo et remercia Maharajji.

Un jour, Maharajji me sauva d'une morsure de serpent. Je passais l'hiver dans une minuscule pièce à Haldwani et j'étais occupé à parler avec quelqu'un quand soudain, sans aucune raison apparente, je m'arrêtai net au beau milieu d'une phrase. Je tournai la tête. Il se passait quelque chose de très bizarre. Un serpent qui venait de pénétrer dans ma chambre alla se cacher dans un sac de jute. Ce qui m'intriguait c'est que j'avais tourné la tête précisément à cet instant. Je me suis dit que ça devait être Neem Karoli Baba, même si, physiquement, Maharajji se trouvait alors à des centaines de kilomètres. J'ai aussi pensé qu'il devait s'agir d'un serpent venimeux. Sinon Maharajji n'aurait pas fait en sorte que je le remarque. Avec infiniment de précautions je mis le serpent dans une boîte métallique et le relâchai dehors.

Environ cinq ans plus tard, alors que je lui reprochais de ne pas suffisamment m'aider ou me protéger car j'étais alors assailli par trop de problèmes à la fois, Maharajji se récria : "Pourquoi me dis-tu une chose pareille ? Je t'ai déjà sauvé la vie en t'évitant d'être mordu par un serpent." J'avais bien pensé sur le coup que c'était lui qui avait fait ça. Des choses pareilles n'arrivent pas par hasard.

Par une nuit d'encre où il pleuvait à verse Maharajji réveilla plusieurs dévots et leur annonça qu'une Jeep était en panne sur la route à six cents mètres de là. Il leur dit d'emporter du thé pour les passagers. Les disciples partirent à toute allure car il leur demanda de faire vite. Maharajji voulait qu'ils aillent voir à un endroit où il n'y avait pas vraiment de chaussée tracée. Ils découvrirent la Jeep en panne avec quatre femmes et un homme à bord dépourvus de couvertures. Maharajji envoya de nouveaux disciples en renfort : "Le thé sera froid. Apportez-leur-en davantage." Quand on finit par amener ces gens au temple, Maharajji expliqua : "Il y a une trentaine d'années, je suis passé chez ces femmes qui m'ont bien reçu et m'ont fourni une couverture." Il leur donna des couvertures et elles se souvinrent de lui.

Normalement, quand Maharajji s'absentait, il envoyait ses bénédictions de l'endroit où il se trouvait. Il n'utilisait pas le téléphone. Mais, en 1967, quand je partis à l'étranger pendant six mois, il rendit visite à ma famille à Kanpur pratiquement une fois par mois. Pendant mon stage en Allemagne, nous envisagions avec mon collègue d'acheter une voiture pour la durée du séjour et de la revendre en partant. Nous avions déjà choisi le véhicule que nous comptions acheter le dimanche. Le samedi nous ne recevions d'ordinaire jamais de courrier, mais ce samedi-là, veille de la transaction, je reçus une lettre de ma femme. Voilà ce qu'elle m'écrivait : "Maharajji est passé aujourd'hui. Il dit que tu as l'intention d'acheter une voiture mais que tu ne dois rien en faire. Renonce absolument à tout projet dans ce sens." J'annonçai aussitôt à mon ami qu'il n'était plus question pour moi d'acquérir le véhicule et que, s'il l'achetait, je ne voyagerais pas avec lui.

Comment Maharajji était-il au courant ? Un matin il était venu rendre visite à ma famille et avait demandé à ma femme d'écrire cette lettre en lui disant que j'allais faire une bêtise et qu'il fallait à tout prix m'en empêcher. Après quoi il était parti, mais il était revenu deux heures plus tard pour vérifier qu'elle m'avait bien écrit. Elle ne l'avait pas encore fait. "Écoute, lui avait-il dit, je ne partirai pas d'ici avant que tu aies écrit cette lettre et que tu l'aies postée, sinon ça va être trop tard." Maharajji ne s'en alla qu'une fois la lettre postée. Elle aurait pu ne pas arriver avant lundi. Mais nous l'avons reçue le jour où il fallait. C'était la première – et dernière – fois où nous avions du courrier le samedi après-midi. Tout ça grâce à lui. Mais pourquoi s'était-il donné la peine de venir de Kainchi et de faire tout ce chemin pour prévenir ma femme ? Avec tous les gens qui l'entouraient il avait largement de quoi s'occuper ! Pourquoi avait-il pensé à moi ?

Un jour, à Haridwar, en se baignant dans la rivière un homme perdit pied. Ballotté par les flots comme un rondin, il fut emporté dans un tourbillon. Il était passablement plus âgé que sa femme qui lui était très attachée. Elle avait quinze ans et lui trente-deux quand il l'avait épousée. Après avoir prononcé le nom de Maharajji elle sauta dans la rivière et parvint à tirer son mari sur la berge. Quand ils arrivèrent à l'endroit où se tenait Maharajji on leur dit que celui-ci était d'une humeur exécrable, qu'il injuriait tout le monde et ne supportait personne auprès de lui. La femme alla tout de même frapper doucement à sa porte. Il l'invita gentiment à entrer et lui demanda ce qui était advenu de son anneau de nez qui était tombé dans l'eau. [La perte de cet anneau que les femmes indiennes portent au nez est de mauvais augure et présage la mort de leur époux.] Quand son mari la rejoignit Maharajji lui dit : "Emporté par les tourbillons tu dévalais la rivière comme un bout de bois." Apparemment, le changement de comportement de Maharajji, son humeur massacrante, avait contribué à secourir l'homme.

Maharajji veille sur ses dévots de multiples façons. Un jour l'un deux, se rendant à Kainchi, s'arrêta à un étal où l'on vendait des pakoras [beignets] au bord de la route. [À cette époque il man-geait des pakoras tous les jours.] Dès qu'il arriva à Kainchi Maharajji lui dit : "Est-ce que tu manges des pakoras ? Ça fait longtemps que tu en manges maintenant ! Pourquoi en manges-tu ? Tu vas t'abîmer l'estomac." À partir de ce jour-là ce disciple n'acheta plus jamais de beignets au bazar.

Une dévote de Maharajji se tenait assise dans le coin d'une pièce auprès d'un homme bizarre. Maharajji lui dit : "Viens te mettre ici. Le mauvais karma de certains peut affecter les autres."

Un médecin de Bombay comptait beaucoup de personnalités dans sa clientèle, y compris Nehru. C'était un homme assez froid même s'il faisait souvent des massages aux autres. Une autre disciple était présente lorsqu'il rendit visite à Maharajji. Quand celui-ci vit le docteur arriver il alla dans une autre pièce en déclarant qu'il ne voulait pas le voir. Puis on entendit Maharajji crier derrière la cloison : "Tu n'as pas pu sauver Nehru. Qu'est-ce qui s'est passé ?"

Le médecin expliqua : "Quand je l'ai massé son état s'est amélioré, mais alors ses nerfs ont flanché." L'autre disciple demanda au docteur s'il avait voyagé à l'étranger.

"Oui, répondit-il, pendant un an au cours duquel je me suis occupé de personnalités."

Elle lui demanda comment il avait connu Maharajji et il lui raconta dans quelles circonstances il avait fait sa connaissance :

"Je ne croyais pas du tout aux saints. En 1942 j'appartenais au mouvement d'indépendance. J'étais un révolutionnaire et on avait donné l'ordre de m'abattre. Je me trouvais à Kanprayag près de Badrinath. J'étais dans une petite dharmashala et pendant que je prenais un bain, tout près de là, Maharajji sermonnait un swami. Un peu plus tard, lorsque je suis passé devant lui, Maharajji m'a saisi par le bras : "Tu as faim, me dit-il. Entre dans cette pièce !" Dans la pièce en question j'ai trouvé deux feuilles couvertes de pommes de terre et de puris fraîchement cuites que Maharajji me demanda de manger. J'ai mangé tout mon soûl mais il en restait. Alors il m'a dit : "Emportes-en avec toi. Maintenant, file. La police sera ici dans moins d'une heure. Va au Tibet, mais pas par ce chemin-ci. Suis l'autre itinéraire." Mais comme j'avais des doutes sur ce que me racontait Maharajji, j'ai demandé à un ami de rester sur place pour voir ce qui allait se passer. Une heure plus tard débarqua un commissaire de police qui connaissait Maharajji. Accompagné d'un groupe d'enquêteurs, cet homme commença à se renseigner sur le docteur. Maharajji lui dit : "Qui donc pourrait bien venir à une heure pareille ?" Et comme les policiers se lançaient sur la route du Tibet il les mit en garde : "C'est la saison des avalanches et vous allez être emportés si vous continuez. Revenez !" Ils décidèrent donc de ne pas aller plus loin."

Un jour où Maharajji se trouvait dans un village proche de Neeb Karori une femme vint chercher de l'eau au puits. Maharajji se mit à rire. Quand un disciple lui demanda pourquoi il riait, il dit que cette femme et son mari habitaient un village éloigné de cinq kilomètres et que, dans six heures, son mari allait mourir d'aller chercher cette eau qu'elle était occupée à puiser sous leurs yeux. "Il va avoir soif. Et en allant chercher une cruche d'eau il va se faire mordre par un cobra." Mais Maharajji ajouta que, si le disciple le souhaitait, il pourrait peut-être le sauver. Le disciple envoya aussitôt deux ou trois hommes qui coururent à la rencontre du mari et arrêtèrent celui-ci à l'endroit précis où il allait se désaltérer. Ils découvrirent effectivement un cobra à côté de la cruche et l'homme eut la vie sauve.

En route pour Calcutta, un garde forestier d'Agra passa à Kainchi et Maharajji lui dit : "Ne pars pas aujourd'hui !

- Mais Maharajji, il faut que j'y aille. J'ai un entretien."

Maharajji insista. Le garde forestier fit la tête mais obtempéra. Le lendemain, il lut dans les journaux que le train qu'il aurait dû prendre avait été impliqué dans la catastrophe ferroviaire la plus meurtrière de toute l'histoire des chemins de fer indiens.

En 1943 Maharajji vint à Fatehgarh où vivait un vieux couple dont le fils combattait en Birmanie. Quand Maharajji passa les voir ils lui offrirent le peu qu'ils possédaient. Ils n'avaient que deux petits lits. Maharajji leur annonça bientôt : "Je vais aller dormir tout de suite." Ils lui donnèrent l'un des deux lits ainsi qu' une couverture. Le vieux couple passa la nuit entière à veiller Maharajji qui gémissait et se démenait sans arrêt dans le lit. La crise dura jusqu'à quatre heures du matin. À quatre heures et demie Maharajji se calma tout à fait. Il retira alors le drap du lit et enveloppa quelque chose dedans. Il dit au vieil homme : "C'est très lourd. N'essaie pas de voir ce qu'il y a à l'intérieur. Il faut que tu ailles jeter ça dans le Gange là où le fleuve est le plus profond. Personne ne doit te voir sinon tu te ferais arrêter." En emportant son fardeau au Gange il sentit au toucher que le drap était rempli de balles de fusil.

Quand le vieil homme revint chez lui Maharajji lui dit : "Ne t'inquiète pas. Ton fils rentre dans un mois." Lorsque le fils retrouva ses parents quelques semaines plus tard il leur apprit qu'il avait bien failli mourir. Sa compagnie s'était fait prendre en embuscade et le hasard avait voulu qu'il tombe dans un fossé. Les balles avaient sifflé toute la nuit. À quatre heures du matin, croyant avoir tué tout le monde, les Japonais se retirèrent. À quatre heures et demie les soldats de l'armée indienne arrivèrent à leur tour. Le fils était le seul survivant. [Sa compagnie était tombée dans l'embuscade le soir même de la visite de Maharajji à ses parents.]

Un jour, Maharajji voulut quitter la plaine et demanda à ce qu'on le conduise en pleine montagne dans la lointaine ville de Bhimtal. À son arrivée il se rendit tout droit chez un de ses dévots et lui demanda d'aller à la vieille cabane destinée au repos des pèlerins attenant au temple de Shiva et de ramener la personne qui s'y trouvait. Cela faisait des années que plus personne n'utilisait cette cabane délabrée et les disciples furent donc très étonnés de trouver l'une de ses portes fermée à clé de l'intérieur. Ils frappèrent et crièrent mais personne ne répondit. Alors ils s'en revinrent raconter à Maharajji ce qui s'était passé.

Maharajji quitta la maison où il se trouvait et se rendit chez un autre disciple et, là encore, envoya des gens à la cabane avec l'ordre de ne revenir qu'avec son occupant. Ils martelèrent la porte, firent un effroyable boucan et un vieil homme finit par ouvrir la fenêtre. Il essaya de renvoyer les disciples mais ceux-ci insistèrent et finirent par ramener l'homme et sa femme à Maharajji. Celui-ci se mit aussitôt à crier : "Est-ce que vous croyez que vous pouvez menacer Dieu en vous laissant mourir de faim ? Il ne laisse pas ses dévots périr si facilement. Acceptez ce prasad !" Il fit apporter des puris et des friandises mais l'homme refusa d'en prendre. Après que Maharajji eut insisté, tous les deux acceptèrent de manger.

Ce couple originaire de l'Inde du Sud s'était rendu en pèlerinage à Badrinath ainsi qu'à d'autres endroits sacrés. Ils appartenaient à une famille aisée mais avaient décidé de quitter leur maison et leur famille afin de consacrer à la prière les années qui leur restaient à vivre. Ils avaient décidé de payer entièrement leur voyage et de ne jamais mendier mais en revenant de Badrinath ils s'étaient fait voler leur argent et tout ce qu'ils possédaient. Il leur restait juste de quoi payer le car jusqu'à Bhimtal où ils trouvèrent la cabane vide. Ils décidèrent de rester là et d'y mourir puisque telle semblait être la volonté de Dieu. Cela faisait trois jours qu'ils s'étaient enfermés à l'intérieur quand Maharajji les avait fait déloger. Maharajji insista pour qu'ils acceptent qu'on leur paye le voyage du retour jusqu'à Madras. Ils expliquèrent qu'ils ne voulaient pas mendier. Maharajji leur dit qu'ainsi ils n'auraient pas à le faire et pourraient renvoyer le prix du voyage une fois arrivés chez eux. Ils acceptèrent l'argent et on leur souhaita bon voyage.

"Ô Kabir, pourquoi craindre qui que ce soit quand le Seigneur Lui-même te protège ? Pourquoi t'en faire si mille chiens furieux aboient quand tu es assis sur un éléphant ?"


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6.  CLÉ  DE  L' ESPRIT




ES  histoires qui montrent l'intérêt que portait Maharajji à ses disciples ainsi que la façon dont il les protégeait donnent aussi à penser qu'il disposait d'impressionnants pouvoirs.


Il donnait l'impression de tout savoir sur eux, qu'ils se trouvent tout près ou même très loin de lui. Il veillait littéralement sur nous et, dans ces conditions, il n'est guère étonnant que nous soyons parvenus à nous débarrasser de tout sentiment de peur.

Je me trouvais avec Maharajji à l'époque de la partition et il y avait un tel afflux de réfugiés en provenance du Pakistan que l'on pouvait à peine poser le pied par terre. Nous nous frayions un chemin à travers la foule quand une femme s'approcha de Maharajji, s'inclina devant lui et lui demanda de bien vouloir venir bénir un nouveau-né non loin de l'endroit où nous étions. Maharajji accepta.

Tout en marchant la femme commença à se plaindre amèrement de la destruction de Lahore. Maharajji la coupa aussitôt et, pour la forme, lui posa la question suivante :

"Il y a six mois ce saint de Lahore ne te l'avait-il pas annoncée ?"

Quand plusieurs personnes venaient le voir ensemble il lui arrivait de raconter l'histoire personnelle des uns et des autres, y compris ce qu'avaient fait leurs ancêtres, comme s'il avait très bien connu ces gens depuis fort longtemps.


Comme Maharajji ne recevait parfois les Occidentaux que l'après-midi, nous décidâmes un beau matin d'aller voir le tout petit ashram où, à une époque, avait résidé un autre grand saint de la région, Sambari Maharaj. Ce fut une visite merveilleuse. Sur le chemin du retour, en fin de matinée, nous rencontrâmes une pente que le minibus Volkswagen fut incapable de gravir tant nous étions chargés. Nous descendîmes donc pour le pousser – c'est-à-dire nous tous à l'exception de deux jeunes femmes de notre groupe qui ne daignèrent pas mettre pied à terre.

Nous n'eûmes aucun mal à pousser le véhicule jusqu'en haut de la côte mais j'en voulais aux jeunes femmes de ne pas avoir donné un coup de main. J'étais trop bien élevé pour dire quoi que ce soit mais j'étais ulcéré et je demeurai silencieux tout le restant du trajet. À peine étions-nous à l'intérieur du temple que Maharajji déclara : "Ram Dass n'est pas content !" J'avais pourtant si bien caché ma colère que personne ne fut d'accord avec Maharajji. Au contraire tout le monde affirma que j'avais été d'humeur très agréable, mais Maharajji n'en démordit pas pour autant.

"Non, fit-il, Ram Dass est fâché parce que les jeunes femmes n'ont pas voulu sortir pousser la voiture."
[R.D.]

Une fois où Maharajji était assis dans une pièce sans fenêtres, il s'exclama soudain : "Tiens, voilà untel !" Et quelques instants plus tard cette personne entrait.

Maharajji me disait toutes sortes de choses. Par exemple : "Tu as joué au hockey avec la Mère." Il faisait allusion au fait que j'étais passé à l'ashram de Shri Aurobindo et qu'à l'occasion de ma visite j'avais effectivement joué au hockey avec la Mère.

Dans les années 1940, le fils d'un fonctionnaire musulman qui étudiait en Angleterre avait été victime d'une crise cardiaque et sa mère était allée le rejoindre. Maharajji était en visite chez un dévot qui ne lui demandait jamais rien mais qui, cette fois-ci, s'enquit du garçon en question étant donné qu'il était très lié à sa famille. Avant même qu'il formulât sa question, Maharajji s'étonna : "Quoi ? Il veut m'interroger sur ce garçon qui fait ses études en Angleterre. Que veux-tu savoir ? Sa mère est allée le retrouver. Tu es allé la conduire à l'aéroport. Et dès son arrivée son fils a commencé à aller mieux." Sur ce, Maharajji se leva : "Allons-nous-en, dit-il, voilà comment l'esprit voyage." [Il fut confirmé par la suite que l'état de santé du jeune homme avait effectivement commencé à s'améliorer dès l'arrivée de sa mère.]

Maharajji demanda à un homme s'il était jamais allé à Kainchi – magnifique endroit très calme, idéal pour la méditation avec sa montagne, sa rivière et ses forêts. Le swami répondit qu'il avait vu une fois un lieu semblable à Kandy [dans le Sri Lanka]. Maharajji, qui n'y était jamais allé, étonna l'homme en décrivant l'endroit jusqu'aux plus petits détails.

Notre fille aînée s'était présentée à un concours administratif afin d'obtenir un poste en rapport avec le gouvernement de l'Inde. Après l'examen nous allâmes voir Maharajji à Vrindaban. Comme nous nous inclinions devant lui, Maharajji s'adressa à elle : "Tu as raté cinq de tes épreuves.

– C'est exact, " fit-elle.

Maharajji la rassura ; " Ne t'inquiète pas. Tu vas quand même être reçue et obtenir le poste que tu vises."

Et c'est bien ce qui arriva.

Nous avons une famille nombreuse et nous ne sommes pas riches mais ses bénédictions nous ont toujours permis de bien nous débrouiller. J'ai obtenu mon travail à la banque par sa grâce. Après avoir passé un entretien pour cet emploi j'étais allé le voir. Il m'avait répété toutes les questions qui m'avaient été posées avant de m'annoncer que je serais choisi. En fait j'ai été reçu premier.

Un jour Maharajji se tourna vers moi : "Envoies-tu toujours de l'argent à ce pundit de Bénarès ?"

Je répondis par l'affirmative.

Maharajji n'avait jamais rencontré ce pundit et je ne lui avais jamais confié que je lui envoyais régulièrement de l'argent. Ce pundit était récitant. Il récitait le
Ramayana et vivait des dons de ses auditeurs. Maharajji était au courant de tout et s'occupait de gens qu'il n'avait jamais rencontrés.

Un dévot employé des chemins de fer présenta un couple à Maharajji. Celui-ci dit à la femme en privé : "Vous subvenez depuis un moment aux besoins d'un enfant sans le sou. Je vous en félicite." Elle était abasourdie parce qu'elle n'en avait jamais parlé à personne, pas même à son mari.

Avant de manger nous faisons l'offrande de notre nourriture à une photo de Maharajji. Une fois, ma femme oublia de saler le curry. "J'ai oublié, fit-elle, mais Maharajji me pardonnera." Quinze jours plus tard Maharajji passa nous voir et ma femme s'assit à ses pieds. Il commença par lui dire : "Tu m'as offert du curry sans sel."

L'un des fils d'une famille de Kanpur combattait lors de la guerre de Chine. On entendit dire qu'il était mort et le frère vint apprendre la nouvelle à Maharajji qui réagit aussitôt : "Non, il n'est pas mort." Personne ne crut Maharajji. La veuve se remaria au bout de six mois et le ministère de la Défense classa ce dossier. Mais l'homme revint quelque temps plus tard.

En 1968, après avoir séjourné quelque temps au temple, je dus me rendre à Delhi. À cette époque, j'essayais d'être un parfait yogi. À Delhi je m'empressai de régler toutes mes affaires et j'eus le temps de prendre un déjeuner végétarien avant de m'en retourner dans la montagne. À la fin du repas on me servit du thé accompagné de deux biscuits. Je ne jugeai pas ceux-ci très adaptés au régime d'un yogi, mais ils étaient fourrés à la crème et je ne pus résister. Cependant, étant donné que j'étais pieds nus, revêtu de mon ulfie [ample pièce d'étoffe en forme de sac dans laquelle se drapent les sadhu] et qu'on me traitait en conséquence, y compris dans ce restaurant, je mangeai ces biscuits en catimini. Quand je retrouvai Maharajji, il commença par me demander si j'avais trouvé ces biscuits à mon goût. [R.D.]

Comme j'étais l'un des rares Occidentaux à connaître l'hindi, il conversait avec moi. Parfois, en bavardant, il m'en mettait plein les yeux. Il mentionnait quelqu'un dont je n'avais jamais parlé à personne : "Qu'est-ce qui lui était déjà arrivé à celui-là ?" Je marquai un temps d'arrêt tellement j'étais stupéfait ! Et il pouffait et partait à rire aux éclats après quoi il me regardait, tout sourire. La plupart du temps, assis à côté de Maharajji, je n'étais plus le même. Je me voyais rire comme un idiot. Je me tenais les côtes. C'était tout juste si je ne me roulais pas par terre. Je n'en pouvais vraiment plus et alors il me serrait contre lui à grande brassée.

LE GURU DOIT TOUT SAVOIR SUR VOUS.

JE CONNAIS TOUT.
COMMENT CELA SE FAIT-IL ?

Non seulement Maharajji veillait sur ses dévots, mais il lisait en nous avec la même facilité, ce qui est pourtant une tout autre affaire.

Il est démoralisant de savoir que quelqu'un a accès au tréfonds de vous-même. Cela génère un genre d'intimité totalement inédit. Il est assez facile de sentir ce qu'éprouve une autre personne et même, quand vous connaissez bien son mode de fonctionnement, de deviner ce qui la préoccupe. Mais il existe tant de pensées ténues, évanescentes, imperceptibles ; et nombre d'entre elles sont censurées dès qu'elles accèdent à la conscience claire, parce qu'elles seraient socialement irrecevables ou même incompatibles avec l'image que nous avons de nous-mêmes. Prendre conscience que quelqu'un a même accès à ce type de pensées-là vous met d'emblée dans une position fort désavantageuse, comme si votre adversaire avait décrypté votre code secret. Vous voilà exposé au grand jour. Vous devenez des plus vulnérables. Mais c'est bien sûr aussi incroyablement passionnant de rencontrer une autre conscience d'une façon aussi intime. Et dans le cas de Maharajji s'ajoutait une qualité d'amour inconditionnel, comme s'il vous déclarait : "Je n'ignore rien de toi et je t'aime."

Aucun témoignage ne saurait rendre compte des expériences les plus précieuses vécues auprès de Maharajji comme par exemple le massage de ses jambes. Si une pensée parasite s'installait dans mon cerveau à ce moment-là il retirait aussitôt ma main et, quand je me recentrais, il la remettait en place. Ses façons de procéder étaient autant d'enseignements subtils.

Ma femme rencontra Maharajji au beau milieu d'une foule à l'India Hotel. Il ne lui avait pas adressé la parole et, au bout d'un moment, elle se dit qu'elle devrait être à la maison en train de me préparer le thé, chose qu'elle faisait tous les jours précisément à cette heure. Maharajji distribuait des friandises et soudain il se tourna vers elle : "Rentre à la maison maintenant. Ton mari attend que tu lui serves le thé."

Quand j'ai fait sa connaissance il venait de se faire raser la tête et je me suis dit que j'aimerais énormément embrasser le sommet de son crâne. Et, quelque temps après, à l'occasion d'un darshan, il m'emmena dans sa chambre. Secoué d'un rire inextinguible, à un moment il se plia en deux et, ce faisant, me présenta le sommet de son crâne. Je ne pouvais qu'y déposer un baiser et, à cet instant, je me rendis compte que mon vœu avait été exaucé.

Je ne cessais de m'adresser à Maharajji par la pensée. Quand il mettait quelqu'un dans l'embarras, je protestais en silence : "Non Maharajji, ne faites pas une chose pareille !" Alors il me regardait à cet instant précis et je savais qu'il m'entendait.

Un jour, assis près du tucket en attendant qu'il vienne donner son darshan, une pensée me traversa l'esprit : le souhait de sentir mon cœur battre au même rythme que le sien et en parfaite phase avec lui. Cette idée m'avait à peine effleuré qu'il se fit un grand bruit de portes qui claquent et Maharajji fit irruption sous la galerie. Il vint aussitôt prendre place sur le tucket et s'assit juste en face de moi, sa poitrine à moins de deux mètres de la mienne. J'étais concentré sur les battements de mon cœur accordé sur le sien. Cette harmonie dura un bon moment au cours duquel Maharajji, plein d'entrain, parla à de nombreuses personnes sans jamais modifier la position de son corps tout proche. Puis mes pensées se mirent à vagabonder et, aussitôt, Maharajji exécuta une demi-volte et s'assit de l'autre côté du tucket en me tournant le dos. J'étais abasourdi. Une pensée me traversa en un éclair : "Maharajji, si ce qui vient de se passer a été déclenché par mon manque de concentration, regardez-moi." Il me jeta un coup d'œil fulgurant par-dessus l'épaule pour me tourner aussitôt le dos et ne m'adressa plus un seul regard le restant du darshan.

Maharajji avait l'art de jouer avec mes désirs. Par exemple, je repérais une pomme sur son banc avant qu'il entre donner son darshan. Et je me disais à quel point j'aimerais cette pomme et que ça faisait longtemps que je n'en avais pas goûté. Alors Maharajji arrivait et, comme par hasard, il ne manquait pas de me lancer la pomme que je convoitais. Mais, bien sûr, comme il lançait d'autres fruits à d'autres dévots, il était difficile d'être absolument certain qu'il ne s'agissait pas de hasard. Je n'en persistais pas moins à penser que c'était tout de même bien curieux.

Quand je vivais en haut dans la montagne derrière le temple où il faisait un froid de canard, j'entendis des dévots fraîchement débarqués parler d'une couverture spécialement conçue pour les astronautes qui était très chaude et pesait une plume. Dans ma cabane glacée je me disais souvent combien il serait agréable d'avoir une telle couverture. Le lendemain matin je descendis au temple et pris le thé avec un disciple qui nettoyait son sac à dos. Il me lança un objet : "Tiens, est-ce que ça te dirait ? C'est une couverture pour astronautes dont je ne me sers jamais." Quand ce genre de choses m'arrivait sans arrêt je me disais que si Maharajji se mettait à combler mes moindres désirs j'aurais intérêt à demander des cadeaux plus essentiels comme, par exemple, un peu de compassion.

Maharajji avait demandé qu'on vienne le chercher à la gare de Bareilly dans la matinée. Il y avait une gigantesque inondation et je pensais qu'il ne viendrait pas mais je décidai quand même d'aller le chercher. Maharajji est tout de même bien arrivé comme prévu et voilà la première chose qu'il m'a dite : "Tu pensais que je ne viendrais peut-être pas à cause de l'inondation."

S'il m'arrivait d'estimer qu'un disciple n'était pas aussi parfait qu'il le pensait, Maharajji ne manquait pas de me lancer aussitôt : "Untel se prend pour un saint mais il n'est pas aussi parfait que ça, hein ?"

J'annonçai à ma femme que je ne voulais pas aller voir Maharajji parce qu'il me prierait de prendre du prasad et m'expédierait aussitôt sans plus de cérémonie. Mais elle insista. Ce jour-là il ne me demanda pas de m'en aller. Je n'avais pas pris de nourriture mais il me laissa rester jusqu'à onze heures du soir. Au moment où tout le monde se levait pour prendre congé Maharajji me dit : "Ne raconte plus jamais à personne que je ne t'autorise pas à rester ici."

J'étais là, priant le ciel de me fournir l'occasion de quitter le satsang pour m'adonner à la sadhana [pratique spirituelle], quand Maharajji me dit : "Va au Népal." Il s'avéra que mon visa était arrivé à expiration la veille.

Il vous arrivait d'être assis derrière lui et il avait l'air de ne pas vous avoir remarqué. Et puis une pensée vous traversait l'esprit et il vous adressait alors directement la parole ou faisait un geste ou disait quelque chose en rapport avec cette pensée. Il était parfois avec vous dans une pièce en pleine conversation silencieuse et au beau milieu d'une phrase il se tournait, ouvrait la fenêtre et se mettait à parler à quelqu'un dehors de ce qui préoccupait cette personne.

D'un simple coup d'œil Maharajji pouvait vous inculquer tout un enseignement. Vous étiez assis dans un coin, torturé par un problème insurmontable. Il n'avait qu'à poser les yeux sur vous un instant et tout votre être se modifiait. Je ne saurais dire s'il faisait vraiment quelque chose ou si c'était juste sa façon de vous regarder, mais vous saviez d'un coup que tout fonctionnait bien dans l'univers et que l'on s'occupait de vous. Il arrivait aussi que vous partiez dans des divagations mentales et, d'un seul regard, en un clin d'œil, Maharajji réduisait vos dérives à néant.

Un couple raconte l'histoire suivante :

Le mari : Je travaillais à Calcutta dans le cadre de la lutte contre la variole. C'était l'une de ces périodes où il m'arrivait d'être bourrelé de remords. Je pensais à la souffrance de tous ces mendiants que je rencontrais dans les rues de cette ville et, comme souvent, je me lançai dans une diatribe contre Dieu et y allai de mon couplet habituel : "Ce n'est vraiment pas nécessaire !"

À cette époque je lisais le Phédon, ce dialogue où Platon met en scène les derniers moments de Socrate au milieu de ses disciples. Ceux-ci se demandent si Socrate ne devrait pas attendre avant de boire la ciguë et celui-ci demande à ce qu'on l'apporte tout de suite parce que ça ne change rien. Les disciples sont tous en larmes et il leur dit : "Écoutez, il n'y a que deux possibilités ; ou bien il y a quelque chose après la mort ou il n'y a rien. S'il n'y a rien, alors Dieu merci ! je vais pouvoir enfin dormir mon content. Et s'il y a quelque chose cela me donne au moins l'occasion d'avoir avec vous une conversation intéressante." Sur ce on apporte la ciguë qu'il boit, et il meurt bientôt.

Je me dis alors que si Socrate dans toute sa sagesse ignorait la nature de la vie au-delà de sa mort, petite âme que j'étais, je ne devrais pas me sentir trop déprimé de ne pas en savoir davantage. C'est ainsi que je me consolai.

L'épouse : Alors que mon mari se trouvait à Calcutta, je cherchais Maharajji à Delhi. Nous finîmes par le trouver chez les Barmans [ce fut la dernière fois qu'il vint à Delhi avant de quitter son corps]. Nous passâmes un moment assis avec lui l'après-midi même du jour de son arrivée. Maharajji me regarda soudain et prononça le nom de Socrate sans faire le moindre commentaire. Plus tard dans la journée, après m'avoir regardée de nouveau, il répéta le nom du philosophe grec.

J'en parlai aux dévots qui m'accompagnaient dans l'espoir de comprendre ce qu'il avait voulu dire. Mon mari revint de Calcutta et, après lui avoir appris que j'avais rencontré Maharajji, je lui dis : "Tu sais, il m'a dit une chose très curieuse et nous ne comprenons toujours pas ce que ça signifie. Après avoir posé les yeux sur moi il m'a appelé 'Socrate'. Qu'en penses-tu ?" Alors mon mari m'expliqua qu'il avait beaucoup réfléchi aux paroles de Socrate et nous avons calculé que j'avais vu Maharajji précisément ce jour-là.

Dada disait : "Lire dans les pensées, prévoir l'avenir, annoncer la visite des uns et des autres, etc, Maharajji le faisait constamment. Cela n'avait vraiment rien d'extraordinaire."

Cette impressionnante capacité de sonder l'esprit humain permettait à Maharajji non seulement de connaître les pensées et les actes d'autrui mais aussi de pénétrer jusqu'au tréfonds des êtres et de les modifier de l'intérieur.

Maharajji me dit un jour : "Je dispose de la clé de l'esprit et je peux la tourner dans n'importe quel sens."

Au temps de l'occupation britannique, un Anglais avait réservé un compartiment de première classe et quand il monta dans le train il s'aperçut que Maharajji l'occupait déjà. Il alla voir le contrôleur, lui expliqua qu'il venait de trouver un individu à la mine patibulaire dans son compartiment et lui demanda de bien vouloir le faire partir. Après avoir constaté les faits, le contrôleur déclara au plaignant : "Je regrette. C'est un saint et je ne peux pas le faire déménager."

Alors, encore plus fâché, l'Anglais fit venir le responsable des contrôleurs, lequel après vérification lui tint le même discours. Et donc à la prochaine gare importante l'Anglais décida de régler lui-même la question, mais à peine était-il entré dans le compartiment afin d'en extirper l'intrus qu'il oublia sa colère, s'assit sans rien dire et fit le reste du voyage dans un état de grande paix. Maharajji finit par dire : "Voici mon village !" et le train s'arrêta pour lui permettre de descendre ainsi que ceux qui voyageaient avec lui.

Je pense que c'est lui qui m'avait fait le suivre. J'allais avec lui mais sans jamais l'avoir voulu.

Les ma, comme on les appelait, étaient des femmes dont le plus grand plaisir était de s'occuper de Maharajji. Un docteur lui avait ordonné de prendre certaines pilules à dix heures du matin. Ce matin-là les ma ont apporté le médicament avec dix minutes de retard. Maharajji les tança comme il faut : "Si vous ne me soignez pas mieux que ça je vais faire en sorte que vous me détestiez !", ce qui était la plus terrible menace qu'il pouvait proférer.

J'étais chef de gare à Mount Abu et Maharajji avait promis d'y passer un jour. Quand je n'étais pas en service j'avais pour principe de ne jamais mettre les pieds à la gare. Mais, ce jour-là, comme j'avais eu une longue conversation avec un ami et que je ne voulais pas arriver en retard à la maison, je dérogeai à mes habitudes et pris un raccourci qui me fit traverser la gare. À l'instant précis où j'entrais dans le bâtiment et me dépêchais d'en sortir arriva le train qui amenait le courrier de Bombay et j'apercus Maharajji qui me faisait signe en tapant à sa fenêtre !

Nous étions tout un groupe d'Occidentaux venus méditer ensemble dans un ashram bouddhiste de Bodh Gaya. Au bout d'un certain temps plusieurs d'entre nous souhaitèrent faire une pause et aller à Delhi, à plusieurs centaines de kilomètres de là, afin de célébrer l'anniversaire de Shiva. L'une des femmes du groupe qui était venue en Inde par voie de terre en car spécial – un "charter bus" – nous fit savoir que le chauffeur du car voulait nous accompagner. Nous fûmes donc trente-quatre à quitter Bodh Gaya pour rejoindre le car à Bénarès et, de là, nous ralliâmes Delhi par la route.

L'un des hommes du groupe, Danny, nous avait quittés brièvement au milieu du stage pour se rendre à Allahabad afin de découvrir ce qu'était une Kumbha Mela. Il était revenu très impressionné et nous avait rapporté à chacun de petits médaillons à l'effigie du singe Hanumân, qu'il avait achetés sur place pendant la fête.

Quand Danny apprit que le car devait passer tout près d'Allahabad, il insista pour que nous voyions l'endroit où s'était tenue la fête. Je protestai, arguant que la mela était maintenant terminée et que nous ne trouverions que des rives désertes. Mais il fit remarquer que c'était l'un des endroits les plus sacrés de l'Inde. Certains d'entre nous étaient fatigués car c'était notre première journée dans le monde après un stage intensif de méditation et notre souhait le plus cher était d'atteindre au plus vite la dharmashala où nous avions prévu de passer la nuit. La perspective de nous écarter de notre itinéraire, ne serait-ce que de quelques kilomètres, pour rejoindre le fleuve ne m'enchantait guère et pourtant c'était un endroit particulièrement vénéré. Je pesai le pour et le contre et finis par annoncer que nous irions jusqu'au fleuve où nous ferions une brève halte, le temps de contempler le soleil couchant.

Nous nous déroutâmes donc de quelques kilomètres et, une fois arrivé sur les lieux de la mela à présent déserts, le chauffeur demanda où il devait se garer. Danny lui montra du doigt un emplacement proche d'un temple dédié à Hanumân. C'était également là qu'il avait acheté les petits médaillons.

Alors que le car approchait de l'endroit en question quelqu'un s'écria : "Maharajji !"

Effectivement, Maharajji était bien là en compagnie de Dada. Tous deux passèrent auprès du car. Nous nous précipitâmes dehors et nous jetâmes à ses pieds. Je fus pris d'une violente crise de rire mêlé de larmes tandis que mon nez m'indiquait que le sol sablonneux sur lequel il se tenait dégageait une forte odeur d'urine.

Par la suite, Dada nous apprit qu'à la vue du car Maharajji avait fait : "Eh bien, les voilà !"

Maharajji nous demanda de les suivre et le car n'eut qu'à se laisser guider par le pousse-pousse à pédales jusque chez Dada qui habitait dans une banlieue de cette grande ville universitaire. On nous donna à manger dans les minutes qui suivirent et nous fûmes logés chez un disciple dans une propriété toute proche. J'appris que les serviteurs, avertis dès le matin de notre visite, avaient consacré la journée à préparer de la nourriture sous les ordres de Maharajji. Mais, dans ce cas, qui pouvait prétendre avoir décidé de passer voir l'endroit où s'était tenue la mela ? Apparemment tout ne s'était pas déroulé comme je l'avais "pensé".
[R.D.]

Maharajji était bien le seul à savoir pourquoi il pensait à quelqu'un plutôt qu'à un autre et pourquoi à un moment bien particulier. Il semble pourtant qu'il ne tirait pas toutes les ficelles car nombre de dévots remarquèrent qu'en se concentrant sur lui ils attiraient son attention, ou même sa présence physique.

Une ma affirmait : "Si l'attachement et la dévotion sont suffisamment forts, le Guru se trouve attiré par le disciple."

Un Français qui séjournait dans l'ashram de Ma Ananda Mayi interrogea HRJ sur ce Neem Karoli Baba car il voulait avoir son darshan. HRJ répondit que s'il se concentrait sur Maharajji ne serait-ce que dix minutes d'affilée celui-ci pourrait apparaître. Le Français ferma les yeux, commença à répéter "Neem Karoli Baba, Neem Karoli Baba..." et, au bout de dix minutes, alors que personne ne s'y attendait, Maharajji arriva dans l'ashram de Ma. Il alla aussitôt parler au Français : "Pourquoi penses-tu à moi ? Je suis venu. Que veux-tu ?"

J'avais l'habitude de me lever vers deux heures du matin et de méditer un moment.

Personne n'était au courant. Un matin, alors que je venais pour le darshan, les mas se précipitèrent à ma rencontre. Elles jubilaient et parlaient toutes en même temps. Elles voulaient me dire qu'au beau milieu de la nuit alors qu'elles étaient assises auprès de Maharajji celui-ci s'était tourné vers elles et leur avait annoncé : "S. [voulant parler de moi] vient de se réveiller. Elle pense très fortement à moi."

Un jour je suis venu de Snow-View à Tallital dans l'espoir de voir Maharajji. Je me demandais comment je pourrais bien le trouver étant donné qu'il ne descendait jamais chez les mêmes dévots.

Au moment précis où j'arrivai à la hauteur de la maison où il logeait, quelqu'un en sortit précipitamment et m'attrapa au passage. Maharajji savait que j'approchais et il avait envoyé cette personne pour m'intercepter et me conduire à lui.

Un mardi matin où j'avais prévu d'aller voir Maharajji à Kainchi, je reçus un coup de fil et je fus contraint de me rendre à Nainital pour affaires. Je me dis que je pourrais quand même attraper le dernier car pour Kainchi mais j'arrivai trop tard et ne pus le prendre. À environ huit heures du soir je réussis à rallier Bhowali en voiture, mais à une heure aussi tardive il n'y avait plus moyen de repartir pour Kainchi. Dépité, je rentrai alors à la maison. Je pensais à cette occasion manquée quand j'entendis frapper à la porte. Je demandai à mon fils d'aller ouvrir et de dire au visiteur que j'étais fatigué. J'entendis alors une voix connue s'écrier : "Je suis Baba Neem Karoli !" Il était vers les neuf heures du soir. Maharajji me dit : "Tu t'inquiètes toujours pour une raison ou une autre ! Pourquoi t'en fais-tu comme ça ?" Il dîna chez moi avant de repartir en Jeep à Kainchi.

L'officier de police qui occupait les fonctions de commissaire fut très contrarié d'apprendre qu'il n'allait pas être titularisé au poste qu'il occupait et décida de donner sa démission. Vers huit heures du soir il était avec sa femme quand un planton vint lui annoncer : "Il y a un homme dehors assis dans la rue qui vous demande." Il savait que c'était Maharajji.

Celui-ci lui dit : "Tu pleurais. Tu envisageais de donner ta démission. Quelle bêtise !"

Un vieil homme qui travaillait comme gardien de prison depuis des années tomba gravement malade. À un moment donné son médecin ne lui donna plus que vingt-quatre heures à vivre mais le vieil homme pensa à Maharajji, médita sur lui et refusa de mourir. Le troisième jour Maharajji arriva dans la ville et se rendit chez un autre disciple à qui il dit : "Il y a un vieil homme qui habite près d'ici. Il pense beaucoup à moi et il est très mal. Il faut aller chez lui."

Lorsqu'ils pénétrèrent dans la chambre du malade ils le trouvèrent dans un état critique. Maharajji posa le pied près de la tête de l'homme. Le mourant eut juste le temps de faire pranam avant de quitter son corps.

Maharajji dit au dévot qui l'accompagnait : "Il pensait intensément à moi. Je suis venu lui donner mon darshan juste avant son départ ! C'était la fin !"

JE SUIS ICI EN MÊME TEMPS QU'EN AMÉRIQUE.
JE VAIS À QUI PENSE À MOI.


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CHAOS  ET  CONFUSION

Partout où se rendait Maharajji régnaient le chaos et la confusion. Deux personnes se voyaient parfois assigner la même tâche, ou quelqu'un recevait l'ordre d'aller défaire ce qu'un autre était occupé à réaliser. Maharajji disait souvent une chose à quelqu'un et le contraire à un autre. Quand on le mettait face à ces contradictions, il niait tout en bloc. Une telle confusion servait nombre d'objectifs évidents. Pour commencer, elle dissimulait les pouvoirs de Maharajji sous toutes sortes de voiles, si bien que personne ne savait jamais au juste ce qui venait de se passer. Ce désordre permettait également à chacun d'entendre ce qu'il ou elle avait besoin d'entendre à partir de cette profusion d'informations contradictoires. Ces inconséquences servaient à ébranler l'esprit des dévots dotés d'un mode de pensée trop rigide. D'un autre point de vue, on pouvait voir dans cette confusion la preuve que Maharajji n'était pas qu'une seule et unique personne. En tant que miroir, il était l'image de quiconque pensait à lui et sa conscience fonctionnait sur de nombreux plans en même temps. Ainsi, une affirmation du type : "Je ne peux rien faire" pouvait très bien être suivie quelques instants plus tard d'une déclaration contraire, comme par exemple : "Je détiens les clés de l'esprit. Ils sont tous mes marionnettes." Ceux qui se rendaient parfaitement compte de cette dimension se réjouissaient de la confusion ambiante.

Deux vieux fidèles apprirent qu'ils pourraient trouver Maharajji dans un certain temple situé sur les bords du Gange. Ils s'y rendirent immédiatement. Il était bien là, mais fit celui qui ne les avait jamais vus : "Qui êtes-vous ? D'où venez-vous ? Que faites-vous dans la vie ? Pourquoi êtes-vous venus ici ?" Il posa ces questions aux deux disciples qui y répondirent patiemment jusqu'à ce qu'il finisse par les prier de s'asseoir !

Maharajji n'était assujetti à rien. Il ne suivait jamais suggestions et conseils et faisait toujours ce qu'on n'attendait pas. Par exemple, si je demandais à rester plus longtemps, il se levait et partait sur le champ.

En pleine discussion politique, Maharajji faisait des prédictions ou disait des choses personnelles avec une belle désinvolture. Ses prophéties s'avéraient souvent fausses. Si vous vouliez une prédiction spécifique, Maharajji demeurait souvent vague et il ne commentait jamais ses vaticinations, ne fournissait jamais d'explications.

On pourrait affirmer le contraire de tout ce qu'il est possible de dire sur son compte !

Un jour, à Vrindaban, Maharajji nous fit tous venir et j'étais en tête du groupe qui se précipitait. En entrant dans la pièce avant tous les autres, j'eus le sentiment de l'avoir pris au dépourvu. Il me vit et eut l'air embarrassé. C'était comme s'il avait été pris en flagrant délit – la main dans la boîte à biscuits, par exemple ! Il avait l'air tout penaud et j'essayai de comprendre ce qu'il avait bien pu être en train de fabriquer quand, finalement, je renonçai. Il était sans doute en train de me jouer un de ses tours !

Un jour où Maharajji était au bord du Gange avec des disciples, ceux-ci lui suggérèrent de se baigner. Il protesta, mais ils insistèrent et finirent par le convaincre de quitter le bateau sur lequel ils se trouvaient et de se plonger dans l'eau. Il commença par faire semblant de se noyer, puis, soudain, se mit à nager autour de l'embarcation. Par la suite, en relatant l'incident, Maharajji raconta à tout le monde qu'on avait essayé de le noyer.

Un soir, à l'ashram, en pleine nuit, nous avons été réveillés par des cris et des bruits de pas. Des gens couraient dans tous les sens et les ampoules s'allumaient les unes après les autres. En passant la tête dans l'embrasure de la porte, nous constatâmes que Maharajji était debout. Il voulait des rotis. Il hurlait à pleins poumons : "Il y a un serpent dans la chambre des mères !" Et, quand on alla vérifier, on s'aperçut que c'était une corde !

À Kainchi, il occupait cette petite pièce toute simple que nous appelions son "bureau". Il y avait une fenêtre équipée de volets intérieurs qu'il pouvait ouvrir. Il s'asseyait souvent derrière cette fenêtre et donnait son darshan à ceux qui passaient ou se présentaient devant. Il lui arrivait de sauter dans tous les coins comme un singe en cage ou de presser son visage contre les barreaux. Parfois, quelqu'un approchait de la fenêtre pour le voir et il lui claquait les volets à la figure.

Il lui arrivait de commencer par dire quelque chose à quelqu'un et, à la fin de la conversation, d'affirmer le contraire. Un jour il parlait de drogue à un dévot occidental et il lui dit : "Tu aimes fumer du charas [hashish]? C'est bien ; Shiva en fume. Ça veut dire que tu aimes Shiva." Nous étions tous ravis d'entendre une chose pareille, mais il commença aussitôt à renverser la vapeur : "Qu'est-ce qui vaut mieux, fumer du charas ou absorber de la nourriture ?" Et environ cinq minutes plus tard il conclut par ces mots : "Ne fume pas !"

On l'avait entendu dire : "Kainchi est un endroit très calme et reposant. Quand on vient ici, on goûte vraiment la paix. Shanti milta-hai ["On trouve la paix"]." Quelques semaines plus tard, en entendant un camion passer sur la route il s'écria : "Oh ! ce Kainchi, quel bruit – impossible d'avoir la paix ici, ashanti [agité, bruyant]." Pour qualifier le même endroit il était passé de shanti [paisible] à ashanti.

Il était parfois très difficile de comprendre ce que Maharajji disait. Il lui arrivait souvent de répéter le même mot une demi-douzaine de fois. Un de ses jeux préférés consistait à répéter indéfiniment la même pensée sous diverses formulations pour vous la faire entrer dans le crâne. Par exemple, si le problème avait trait au mariage, il pouvait vous dire : "Dis-moi, tu as bien épousé quelqu'un ? Non, je confonds. Ah si, tu t'es marié ? Ah bon !" Et, une fois parti, il n'arrêtait pas – un vrai piston. Il traitait les objets de la même façon. Il prenait une chose, la tournait à l'envers pour la remettre d'un coup à l'endroit et ainsi de suite. Il jouait autant avec les mots – il prononçait une phrase, la triturait dans tous les sens et, pendant ce temps-là, votre tête subissait le même sort.

Un matin, Maharajji salua ses dévots en se plaignant d'un genou très douloureux. Certains le prirent au sérieux et suggérèrent divers traitements. D'autres prirent cette affection à la légère et lui conseillèrent de se soigner lui-même étant donné qu'il était la cause de ses souffrances. Quoi qu'il en soit, huiles, onguents et compresses furent appliqués sur la zone sensible, mais en vain ! Maharajji fit savoir haut et clair que rien de tout cela ne serait efficace et qu'il fallait se procurer un certain médicament qu'il avait vu un jour chez Dada. Il le désigna sous le nom du "médicament du moustachu" en se tortillant lui-même la moustache pour bien faire comprendre de quoi il voulait parler. Il affirma que c'était le seul médicament qui serait efficace.

Mais cela ne disait rien à Dada qui ne se souvenait pas avoir jamais eu chez lui de médicaments liés de près ou de loin à des moustaches. Plus tard dans la journée, il alla au bazar faire des emplettes pour l'ashram. À la pharmacie, il remarqua le portrait d'un homme à moustache sur une petite boîte contenant du baume Sloan, une embrocation révulsive. Il l'acheta et la donna à Maharajji qui s'exclama aussitôt : "C'est ça ! C'est le médicament à moustache ! Frotte-moi le genou avec !" Après que le baume eut été appliqué, Maharajji annonça que la douleur avait disparu et qu'à présent il allait bien.

Janaki et Draupadi étaient assises devant Maharajji qui se tourna vers la première : "Laquelle je préfère de vous deux, toi ou Draupadi ?"

Janaki répondit gentiment : "Mais Maharajji, vous nous aimez autant l'une que l'autre."

Mais Maharajji la reprit : "Nahin [Non] ! Je préfère Draupadi !" Ce qui eut bien évidemment pour effet de contrarier énormément Janaki. Celle-ci se leva, sortit et prit le chemin du bazar de Vrindaban car elle souhaitait se sauver ! Quelle espèce de Guru a des préférences et les affiche pareillement ? Une fois au bazar, elle se rendit compte qu'après tout, elle ne pouvait pas s'enfuir. Dans le but de faire un joli cadeau à quelqu'un, elle acheta une petite murti en cuivre d'Hanuman, s'en revint au temple et mit la statuette dans sa chambre. Aussitôt après, Maharajji l'attrapa au vol et l'interrogea : "Où es-tu allée ? Qu'as-tu fait ? Qu'as-tu acheté ?" Elle lui parla de la petite murti. Il lui demanda de la lui apporter, ce qu'elle fit. Alors il la manipula un peu et, après l'avoir regardée sous toutes les coutures, il lui dit de me la donner ! J'ignore si elle avait eu cette intention ou si Maharajji le lui avait suggéré. Le lendemain même du jour où j'avais secrètement souhaité posséder une petite murti d'Hanuman, on m'offrait celle-ci.

J'étais souvent seul avec Maharajji dans sa chambre et je voulais que tout le monde partage cette expérience. Je lui disais donc : "Maharajji, ça leur ferait énormément plaisir d'entrer."

Il me répondait : "Est-ce que je devrais les laisser entrer ?

– Oui, laissez-les entrer."

Et alors il cédait :

– Va les chercher !

Mais il lui arrivait de refuser :

– Nahin ! Pas question ! Reste ici !

Ou il me lançait qu'ils étaient tous un ramassis de badmash [vauriens]. Je les défendais en lui expliquant qu'ils n'étaient pas tous des voyous et que certains étaient simplement désorientés comme je l'étais moi-même. Il convenait que c'était vrai, mais répétait quand même : "Nahin, ce sont tous des badmash !"

Alors que le grand havan – la cérémonie du feu – approchait, ils annoncèrent qu'ils allaient jeûner, mais, deux jours plus tard, ils renoncèrent à leur projet. Et tous ceux qui avaient dit ne pas vouloir jeûner finirent par le faire.

Une fois, à Allahabad, une famille sikh avait décidé de préparer à manger pour tout le satsang et de nous recevoir l'après-midi. Comme je voulais rester ensuite avec Maharajji, j'allai me cacher sur le toit où personne ne montait jamais. On rassembla l'ensemble des dévots pour la sortie de groupe et, lorsqu'ils furent tous partis, une grande crainte m'envahit : qu'allait faire Maharajji quand il s'apercevrait que j'étais toujours là ? Je posai la question à Didi, l'épouse de Dada, qui me conseilla d'en parler à son mari.

J'allai donc voir Dada : "Dada, je ne sais ce que va faire Maharajji."

À quoi il répondit : "Existe-t-il seulement quelqu'un qui le sache ?"

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